Alors que le Comité international olympique a fait de l’égalité femmes-hommes une priorité en annonçant une stricte parité aux JO 2024 de Paris, les propos sexistes tenus mercredi par le président du comité d’organisation des Jeux olympiques de Tokyo 2020, Yoshiro Mori, font tache. Cet ancien Premier ministre (2000-2001), âgé de 83 ans, s’est plaint que «les conseils d’administration avec beaucoup de femmes prennent beaucoup de temps», car elles ont selon lui «du mal à finir» leurs interventions, a rapporté le journal nippon Asahi. «Les femmes ont l’esprit de compétition. Si l’une lève la main (pour intervenir, ndlr), les autres croient qu’elles doivent s’exprimer aussi. C’est pour ça que tout le monde finit par parler», a-t-il devisé lors d’une réunion ouverte à la presse. Yoshiro Mori ne s’est pas arrêté là et a trouvé bon de se féliciter que les femmes membres du comité d’organisation Tokyo-2020 savent «rester à leur place».
Sous le feu des critiques, Yoshiro Mori s’est excusé ce jeudi mais a écarté l’idée de démissionner. Les hashtags «ça suffit», «misogynie» ou «nous exigeons la démission de Yoshiro Mori» se sont d’ailleurs hissés parmi les tendances sur Twitter ce jeudi au Japon. Renho Murata, une figure de l’opposition parlementaire qui n’utilise que son prénom dans sa carrière politique, a qualifié de «honteux» les propos du président du comité, tandis que Kaori Yamaguchi, ancienne judoka et membre du comité olympique japonais, les a jugés «malheureux». «L’égalité des sexes est censée être un prérequis pour organiser les Jeux de Tokyo», a ajouté l’ex-athlète.
«A l’encontre de l’esprit des Jeux olympiques»
Ces déclarations «allaient à l’encontre de l’esprit des Jeux olympiques et paralympiques» et étaient par conséquent «inappropriées», a reconnu Yoshiro Mori lors d’une conférence de presse à Tokyo. «Je voudrais retirer ce que j’ai dit», a-t-il ajouté, disant vouloir s’excuser «auprès de tous ceux qui se sont sentis offensés». «Je n’ai pas l’intention de démissionner», a-t-il cependant affirmé, rappelant son «sacrifice personnel pendant sept ans» au service de l’organisation des JO 2020, reportés d’un an à cet été (23 juillet-8 août) mais qui apparaissent de plus en plus menacés à cause de la pandémie de Covid-19.
Après ses excuses, le président du comité est apparu sur la défensive et maladroit face aux questions des médias. Ainsi, quand un journaliste lui a demandé s’il pensait que d’une manière générale les femmes parlaient trop, il a répété : «C’est ce que j’entends souvent.» Il a aussi lancé avec agacement à la presse : «Je n’en sais rien, car je ne parle pas souvent avec des femmes ces derniers temps […] Vous me posez toutes ces questions parce que vous voulez écrire des histoires amusantes, n’est-ce pas ?» Yoshiro Mori a également affirmé jeudi matin à un journal nippon avoir «parlé sans réfléchir» la veille, et avoir été «grondé» pour ses propos par sa femme et sa fille notamment.
«Je ne voulais pas être méprisant»
«J’essayais de dire que je m’interrogeais sur l’opinion générale selon laquelle on doit augmenter le nombre de femmes» dans les instances exécutives, mais «je ne voulais pas être méprisant envers les femmes», avait-il encore expliqué au quotidien japonais Mainichi. «Il est difficile de dire cela en présence de l’équipe de télévision, mais le ministère de l’Education (Culture, Sports, Science et Technologie) nous harcèle pour que les femmes représentent 40 % des conseils d’administration», a-t-il aussi lancé mercredi, selon ce journal, devant des membres du comité olympique japonais. Le comité avait annoncé l’an dernier son souhait d’avoir un conseil d’administration composé à 40 % de femmes, contre 20 % actuellement. Une marche importante vers la parité que Yoshiro Mori n’a visiblement pas envie de franchir.
Le porte-parole du gouvernement japonais, Katsunobu Kato, a décliné tout commentaire sur l’affaire, et Tokyo 2020 n’a pas réagi dans l’immédiat non plus. Cette polémique s’inscrit dans une société à la traîne en matière d’égalité des sexes. Le Japon se situe à la 121e place sur 153 pays dans le dernier rapport sur les inégalités hommes-femmes du Forum économique mondial et à la 131e place pour la proportion de femmes à des postes à responsabilité dans les entreprises, la politique et l’administration.
Marlène Thomas
Par Liberation.fr
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