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Explosion à Beyrouth : Six mois après, « chaque jour est un pas de plus vers un abîme sans fin », explique la responsable d’une ONG

Beyrouth se lèvera, dit l'inscription devant le port en reconstruction. 
Patricia Khoder, la porte-parole de l’ONG Care au Liban, décrit une ville de Beyrouth qui se reconstruit lentement et une population sombrant dans la pauvreté

INTERVIEW - Patricia Khoder, la porte-parole de l’ONG Care au Liban, décrit une ville de Beyrouth qui se reconstruit lentement et une population sombrant dans la pauvreté

Le 4 août 2020, le cœur de la capitale libanaise, Beyrouth, était dévasté par une énorme explosion sur le port. Plus de 200 personnes sont mortes et des dizaines de milliers de personnes se sont retrouvées sans logement. Confronté à une crise économique, sociale, politique et bien sûr sanitaire, le Liban se trouve dans une situation humanitaire très grave.

Six mois après l’explosion, la ville de  Beyrouth a entamé une lente reconstruction, mais la population, plongée dans la pauvreté, est loin d’être sortie d’affaire. 20 Minutes fait le point sur la situation avec la porte-parole de l’ONG Care, sur place, Patricia Khoder.

Six mois après l’explosion, où en est la reconstruction ?

L’ampleur de l’explosion a été tellement grande qu’il faudra beaucoup de temps, beaucoup d’argent et beaucoup de bonne volonté pour reconstruire. Il faut dire que cette explosion a été l’équivalent d’un tremblement de terre à 6 sur l’échelle de Richter : quatre ou cinq quartiers, les plus proches du port de Beyrouth, ont été détruits. Les dégâts sont énormes. Les ONG sont à pied d’œuvre pour la reconstruction des immeubles et le remplacement des vitres. Aujourd’hui, 30 % de la ville est reconstruite, seulement. Il y a des endroits où les vitres ont été remplacées bien sûr, mais devant chaque bâtiment à Beyrouth il y a encore des débris et il y a beaucoup d’immeubles où rien n’a été fait. Beaucoup de gens n’ont toujours pas réintégré leur maison, beaucoup de commerces n’ont pas rouvert. On voit des immeubles seulement bâchés pour se protéger de la pluie et du vent.

Vivre au quotidien à Beyrouth est devenu très éprouvant. Se déplacer à pied ou en voiture dans la ville, c’est voir tout un tas de destructions devant soi, mais on vit avec. On a besoin d’encore beaucoup de choses pour reconstruire la ville, mais le travail est en train d’être fait. Après six mois, nous sommes beaucoup plus avancés que des pays qui ont connu des tremblements de terre énormes comme Haïti par exemple. Alors que de nombreuses routes avaient été coupées avec l’explosion par peur des risques d’effondrement, là, tout est à nouveau ouvert.

Quelles actions Care a-t-elle mené depuis cet été ?

Care travaille sur plusieurs plans depuis six mois. Nous avons plus d’une dizaine de projets dans tout le Liban, surtout à Beyrouth mais sur l’explosion en particulier, nous travaillons avec des partenaires locaux sur la reconstruction. On aide pour la reconstruction des logements, bien sûr, pour que les Libanais réintègrent leurs maisons, mais nous travaillons aussi sur les petites et moyennes entreprises.

C’est le vieux Beyrouth qui a été touché par l’explosion, avec ses petites échoppes, ses épiceries, ses artisans… Ces petits commerces, nous les aidons à se remettre sur pied en leur accordant des fonds pour reconstruire, racheter du matériel. A toute cette situation s'ajoute actuellement le confinement au Liban. Nous sommes une des rares ONG internationales à pouvoir distribuer des colis alimentaires, des plats chauds, pendant ce confinement. On distribue aussi des kits de propreté, car les produits d’entretien sont aussi devenus très chers.

L’explosion est arrivée dans un pays qui se trouvait déjà dans une grave situation économique et sociale, la situation est-elle toujours la même ?

Elle est pire ! Chaque jour, ça empire à Beyrouth et dans tout le Liban ! Chaque jour est un pas de plus vers un abîme sans fin. On est devant une crise humanitaire catastrophique. Des gens, qui n’avaient déjà pas beaucoup de moyens, perdent leurs emplois, y compris au sein de la classe moyenne. La livre libanaise a été dévaluée cinq fois : quelqu’un qui avait l’équivalent de 1.000 dollars en livres libanaises il y a un an n’a plus que l’équivalent de 200 dollars. Concernant les produits de première nécessité comme le lait, le beurre, tous les produits qu’on achète en supermarchés, le Liban est dépendant des importations.

On est en train de sombrer dans la pauvreté : 50 % de la population se trouve sous le seuil de pauvreté désormais, qu’elle soit éduquée ou pas. Sur le terrain, je vois des gens comme moi : bilingues, voire trilingues, diplômés, des gens qui appartenaient à la classe moyenne, qui n’ont plus rien et qui comptent sur l’aide alimentaire pour vivre. Pendant le confinement, il n’y a pas de plan du gouvernement, comme en Europe, pour indemniser les commerçants.  Les Français connaissaient un Liban prospère mais ça ne ressemble plus à ça : le PIB local a perdu 20 % de sa valeur en un an. Si on ajoute à l’explosion et à la crise économique la situation sanitaire, le pays s’enfonce dans une crise multiple.

Propos recueillis par Rachel Garrat-Valcarcel

Par 20 Minutes  

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