Les militaires ont pris le pouvoir et poussé le président malien à la démission dans la nuit de
mardi à mercredi. L'épilogue de plusieurs mois de tensions.Après plusieurs mois de vives tensions, le Mali s'enfonce toujours plus dans la crise. Dans la nuit de mardi à mercredi, les militaires ont pris le pouvoir et poussé à la démission le président Ibrahim Boubacar Keïta. Ils ont affirmé dans la foulée vouloir mettre en place une "transition politique civile" devant conduire à des élections générales dans un "délai raisonnable". L'épilogue de plusieurs mois de tensions au sein de ce pays ébranlé par une profonde crise politique, dans un climat d'insécurité lié notamment aux attaques djihadistes. L'Express remonte le fil des événements.
- Législatives contestées en mars-avril
En mars-avril, des législatives sont organisées, malgré l'apparition du nouveau coronavirus. Le chef de l'opposition, Soumaïla Cissé, est enlevé le 26 mars, juste avant le premier tour, alors qu'il était en campagne dans le centre du pays. Le 29 mars, le premier tour est maintenu, suivi du second tour le 19 avril. Le vote est marqué par des enlèvements d'agents électoraux, le pillage de bureaux de vote et l'explosion d'une mine qui fait neuf morts.
Le camp présidentiel sort majoritaire mais affaibli par ce scrutin. Mais le 30 avril, la Cour constitutionnelle met le feu aux poudres en inversant une trentaine de résultats, dont une dizaine au profit du parti du président Ibrahim Boubacar Keïta, dit "IBK". L'événement attise la colère de l'opposition, qui commence à s'organiser.
- Naissance du Mouvement du 5 juin
Le 30 mai, l'influent imam conservateur Mahmoud Dicko, des partis d'opposition et un mouvement de la société civile nouent une alliance inédite qui appelle à manifester contre le président. Ils dénoncent l'impuissance du pouvoir face à l'insécurité, le marasme économique et la décision de la Cour constitutionnelle.
Le 5 juin, une manifestation de dizaines de milliers de personnes marque le début d'un mouvement de contestation contre le président Keïta qui sera baptisé le "Mouvement du 5 juin". La coalition d'opposants, de responsables religieux et de personnalités de la société civile demande depuis la démission du chef de l'Etat en l'accusant notamment ainsi que son entourage de corruption et de népotisme.
- Le week-end sanglant du 10 juillet
Le chef de l'Etat reconduit malgré tout à la mi-juin le Premier ministre Boubou Cissé et le charge de former le nouveau gouvernement. Il ouvre néanmoins la porte à un gouvernement d'union nationale. Une nouvelle manifestation a lieu le 19 juin, rassemblant des milliers de manifestants qui réclament toujours la démission d'IBK.
Ce dernier affirme les 7 et 8 juillet qu'il pourrait nommer au Sénat des candidats aux législatives initialement déclarés vainqueurs puis donnés battus par la Cour constitutionnelle, et ouvre la voie à un réexamen de la décision de la Cour constitutionnelle sur les législatives. Mais les dirigeants de la contestation rejettent ces gestes d'apaisement.
Le 10 juillet, une manifestation à l'appel du Mouvement du 5 juin, placée sous le signe de la "désobéissance civile", dégénère en attaques contre le Parlement et contre la télévision nationale. Suivent trois jours de troubles civils, les plus graves connus par Bamako depuis 2012. L'opposition évoque un bilan de 23 morts et plus de 150 blessés. Le Premier ministre parle de onze morts et l'ONU de quatorze manifestants tués.
- Échec des médiations des pays voisins en juillet
Le 18 juillet, la contestation rejette un compromis proposé par une médiation ouest-africaine conduite par l'ex-président nigérian Goodluck Jonathan prévoyant le maintien au pouvoir du chef de l'Etat. Trois jours plus tard, le Mouvement du 5 juin annonce une trêve dans son mot d'ordre de désobéissance civile afin que la fête musulmane de l'Aïd al-Adha se déroule dans le calme.
Le 27 juillet, les dirigeants de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) appellent les Maliens à "l'union sacrée". Elle menace de sanctions ceux qui s'opposeront à son plan de sortie de crise, qui prévoit le maintien au pouvoir du président Keïta, et prône un gouvernement d'union et des législatives partielles.
Mais deux jours plus tard, le plan essuie un triple revers : l'opposition réclame à nouveau le départ du président et rejette la main tendue par le Premier ministre. Une trentaine de députés, dont l'élection est contestée, refusent de leur côté de démissionner comme le leur ont demandé les dirigeants ouest-africains.
- Le putsch militaire du 18 août
La contestation reprend de plus belle le 12 août, avec des milliers de personnes qui se rassemblent à Bamako pour demander la démission du président. Le lendemain, la contestation rejette une proposition de Goodluck Jonathan pour une rencontre avec le président Keïta.
Le 17 août, l'opposition annonce de nouvelles manifestations pour réclamer le départ du président, avec en point d'orgue l'occupation d'une place symbolique au coeur de Bamako. Le lendemain, une mutinerie éclate dans la garnison militaire de Kati, près de Bamako. Des soldats fraternisent ensuite avec des manifestants puis arrêtent à Bamako le président Keïta et son Premier ministre Boubou Cissé.
"Nous pouvons vous dire que le président et le Premier ministre sont sous notre contrôle. Nous les avons arrêtés chez lui", déclare l'un des chefs militaires. Dans la nuit de mardi à mercredi Ibrahim Boubacar Keïta annonce finalement sa démission, expliquant n'avoir pas d'autre choix que de se soumettre à la volonté de son armée en révolte pour éviter que du sang ne soit versé. Dans la foulée, les militaires affirment vouloir mettre en place une "transition politique civile" devant conduire à des élections générales dans un "délai raisonnable".
La Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest condamne dans le même temps l'action de "militaires putschistes" et prend une série de mesures à effet immédiat pour isoler le Mali. L'action des mutins suscite aussi des protestations de l'ONU, de l'Union européenne et de la France, dont 5100 militaires sont déployés au Sahel, dans le cadre de l'opération antidjihadiste Barkhane.
Par lexpress.fr
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