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Edouard Philippe rejette l'ancre au Havre

Ce dimanche, au Havre, où Edouard Philippe vient d'être réélu.

Réélu par le conseil municipal ce dimanche, Edouard Philippe a renfilé son écharpe tricolore. En restant taiseux sur son avenir politique.

Edouard Philippe est rentré au port, comme il en était parti il y a trois ans : maire du Havre. Ça et rien de plus, à en croire la mise en scène de son élection lors du conseil municipal de dimanche matin. Pas la moindre allusion à son passé encore chaud de Premier ministre, ni à ses ambitions futures. La presse, venue en masse, a été superbement ignorée par Edouard Philippe, plus Romain antique que jamais. L’air de celui qui se situe au-dessus de la petite politique, tout tendu vers son devoir. Sur les coups de 11 heures, Jean-Baptiste Gastinne, qui fut maire en son absence, a rendu l’écharpe tricolore au nouvel édile, élu par le conseil municipal avec 47 des 59 voix. Dans la salle, quelques proches d’Edouard Philippe ont fait le déplacement : le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, lui-même réélu à Tourcoing, et Gilles Boyer, député européen mais surtout complice de longue date d’Edouard Philippe. Egalement présentes : la députée (Agir) de Seine-Maritime Agnès Firmin Le Bodo et la sénatrice Agnès Canayer, toutes deux élues au conseil municipal.
Après l’élection de ses 20 adjoints, le maire déroule son programme pour Le Havre : relancer l’activité pendant les six prochains mois, effacer les stigmates du confinement les deux années suivantes et réaliser ses promesses les quatre années qui restent. «Cohérence et constance, formule-t-il, avant de se lancer dans une digression sur le sens de l’intérêt général. Il ne se résume pas à ceux qui parlent le plus fort, ni dans le simple consensus. Etre élu, c’est définir un cap et s’y tenir.» Rien sur sa fonction précédente. Avec ceux qui scrutent le moindre double sens dans ses propos, il donne l’impression de jouer au chat et à la souris : «Nous avons une ambition, c’est de faire en sorte que les choses aillent mieux au Havre.» «Etre maire, c’est avoir la chance d’exercer le plus beau des mandats que la République puisse offrir», se contente de professer Edouard Philippe, qui décoche en direction des commentateurs : «Tout cela crée une densité humaine que ceux qui s’engagent connaissent et que tous ceux qui regardent ne comprennent pas.»

«Il va faire comme Chirac»

A l’extérieur de la salle, Gilles Boyer s’agace quand on prête des arrière-pensées à son copain. «Arrêtez de chercher la petite bête, son message est uniquement positif», assure-t-il. Sur la nouvelle tâche que lui aurait confiée Emmanuel Macron lors de sa démission – rassembler la majorité en vue de 2022 –, le député européen reste plus que prudent : «Edouard Philippe n’a ni accepté, ni refusé, la mission doit être précisée. Mais je suis certain qu’il aura à cœur d’aider le président de la République à être réélu». Traduction : on verra après l’été. Agnès Firmin Le Bodo, elle, croit savoir l’ex-Premier ministre «heureux d’être rentré» mais pas rangé des voitures pour autant. «Je souhaite qu’Edouard Philippe ait un destin national, assume la députée. Il y a trois ans, personne ne le connaissait hors du Havre. Désormais, il a la stature d’un homme d’Etat.» En acceptant de bosser pour la réélection de Macron en 2022 ? «C’est la personnalité qui rassemble le plus, vante-t-elle. D’ailleurs, il a l’habitude : il a déjà été à l’origine de l’UMP.» Elle s’empresse d’ajouter : «Même s’il ne s’agit pas de refaire l’UMP.»
Le Havre la 05 juillet 2020. Installation du conseil municipal du havre. Elections d'edouard philippe comme maire du havre. DŽambulation jusqu'au monument aux morts de la place du general de Gaulle  
© Alain GUILHOT Le Havre la 05 juillet 2020. Installation du conseil municipal du havre. Elections d'edouard philippe comme maire du havre. DŽambulation jusqu'au monument aux morts de la place du general de Gaulle Edouard Philippe, ce dimanche. Photo Alain Guilhot pour Libération
Dehors, le nouveau chef de l’opposition, Jean-Paul Lecoq (PCF) est comme d’habitude, rigolard. Petite punchline : «Lui il est politicien, moi je suis électricien, on n’a pas appris le même métier.» Il l’a quand même encore mauvaise de sa défaite du 28 juin, qu’il met sur le compte de l’anticommunisme : «J’en ai eu à haute dose.» Sur les onze conseillers municipaux d’opposition, élus avec lui, il refuse de donner le nombre d’encartés, mais il y a une bonne moitié de nouveaux venus en politique, assure-t-il. D’ailleurs, l’un d’entre eux s’est trompé de vote au moment d’élire les vingt adjoints au nouveau maire du Havre – il ou elle a glissé dans l’urne un bulletin favorable à la liste d’Edouard Philippe. Bonne nouvelle pour Lecoq : il n’y a plus d’élus du Rassemblement national et toute l’opposition est réunie dans un seul groupe – le député communiste ayant refusé toute fusion de liste avec les écolos et les socialistes.
Après la photo de famille du nouveau conseil municipal, l’ex-Premier ministre s’en va à pied déposer une gerbe devant le monument aux morts, à un jet de pierre de la mairie. Dos à l’espace Oscar-Niemeyer, sorte de grand volcan blanc, vestige de trois décennies de municipalité communiste, Edouard Philippe s’offre ensuite un petit bain de foule. Il enchaîne les photos avec les passants, l’air indifférent à la nuée des journalistes qui l’entoure. A une toute jeune mère qui lui présente son enfant, née pendant le confinement : «Je vais vous dire, votre fille sera célèbre.» Un peu à l’écart, une dame âgée hurle dans son téléphone «Je te laisse, il y a Edouard Philippe, le… le…» On lui suggère : le prochain président de la République ? «Oui, c’est sûr, il va faire comme Chirac», acquiesce la Havraise. Retour à pied à l’hôtel de ville, sous les vivats et les selfies. Sur la façade massive en béton, une œuvre d’art a été installée pour quelques semaines. Une ligne noire qui court entre les colonnes de la mairie, s’interrompt et reprend plus loin. Selon Paris-Normandie, elle est censée «illustrer le passage du temps». Au Havre, comme ailleurs, ce dernier file vers 2022.
Nicolas Massol
Par Liberation.fr

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