
On dit souvent que l’Afrique manque d’électricité. L’assertion est pourtant de moins en moins vraie
en Afrique de l’Est, où de gros projets ont été inaugurés au cours des dernières années. La ferme éolienne du Turkana, la plus grande du continent avec une capacité de 310 mégawatts (MW), à l’extrême nord du Kenya fut, en 2018, l’un des plus emblématiques. En 2019, le même pays achevait une cinquième unité de géothermie (Olkaria V, 160 MW) tandis que son voisin, l’Ouganda, se dotait d’un nouveau barrage hydraulique (Isamba, 183 MW). Et la région est loin d’avoir épuisé ses ressources. En Ethiopie, la mise en eau du méga-barrage de la Renaissance est prévue cette année. En 2022, il devrait produire quelque 6 000 MW.
La production d’électricité a même fini par dépasser la consommation dans cette région qui faisait face, il y a moins de quinze ans, à une grave crise énergétique. Power Africa, un programme créé par l’ancien président américain, Barack Obama, pour développer l’accès à l’électricité en Afrique, souligne dans un rapport récent qu’« une surcapacité est anticipée dans la région ». Selon ses estimations, la capacité électrique d’Afrique de l’Est atteignait 7 850 MW en 2018 tandis que la demande plafonnait, en pic, à 7 000 MW, soit une « surcapacité » de 850 MW (presque l’équivalent en puissance d’un réacteur nucléaire standard). En 2025, cette surcapacité devrait selon eux grimper à 3 430 MW. En comparaison, l’Afrique de l’Ouest devrait connaître à cette date un déficit de 156 MW.
Ce surplus d’électricité ne signifie pas, loin s’en faut, que tous les citoyens y ont accès
D’un côté, cette situation est le résultat d’une formidable poussée des projets énergétiques, portés par les Etats et les institutions de développement, l’essor des producteurs indépendants d’électricité ainsi que la baisse des coûts d’investissement dans les énergies renouvelables. Une accélération a priori bienvenue alors que les lacunes en matière d’électrification sont un frein majeur au développement économique du continent. « De gros efforts ont été faits depuis quinze ans et c’est très positif (…) Mais il ne faut pas non plus empiler les mégawatts », observe une source haut placée au sein d’une institution de développement, évoquant les défis posés par ce « push aveugle ».
Un produit cher qu’on utilise avec parcimonie
Tout d’abord, ce surplus d’électricité ne signifie pas, loin s’en faut, que tous les citoyens y ont accès. Selon la Banque mondiale, seulement 44 % des Ethiopiens, 22 % des Ougandais et 9 % des Burundais avaient accès à l’énergie en 2017, faute d’un réseau de distribution efficient. Trop de courant donc, et pas assez de clients, ce qui pèse lourd sur les finances des compagnies de fourniture d’électricité et des Etats. Au Kenya, où d’importants efforts ont permis d’atteindre un taux d’accès de 75 % en 2019, on constate un autre problème : dans les foyers modestes, l’électricité est un produit cher qu’on utilise avec parcimonie, juste de quoi allumer quelques lampes, recharger les téléphones, alimenter, parfois, une télévision. « Le Kenya a connecté des millions de gens mais ils l’utilisent si peu ! C’est un gros problème pour KPLC [le distributeur national] », note la chercheuse kényane Rose Mutiso, du think tank Energy for Growth Hub. Pour elle, il faut des industries afin d’absorber l’essentiel de la production électrique, « comme c’est le cas dans tous les pays développés ».
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