
Le 2 mai 2019, le gouvernement ivoirien a rappelé dans un communiqué l’interdiction de l’activité
des motos-taxis à Abidjan. Une mesure qui a suscité la polémique dans le pays, d’autant plus que Heetch, une start-up française, a annoncé le lancement d’un service de transport à moto dans la ville.
des motos-taxis à Abidjan. Une mesure qui a suscité la polémique dans le pays, d’autant plus que Heetch, une start-up française, a annoncé le lancement d’un service de transport à moto dans la ville.
À Abidjan, ville cosmopolite qui regroupe 20% de la population ivoirienne estimée à 23 millions de personnes en 2014, les moyens de transport, denses et dans l’ensemble assez anarchiques, occasionnent régulièrement des embouteillages monstre. D’où le recours de plus en plus fréquent ces derniers mois à des motos-taxis, qui risque toutefois d’être contrarié.

© Sputnik . Roland Klohi
Exemple de motos-taxis circulant dans les rues d’Abidjan
Dans un communiqué diffusé le 2 mai, le ministère ivoirien des Transports a en effet invité «tous les propriétaires et conducteurs de motos-taxis à Abidjan à procéder à l’arrêt immédiat de leurs activités, sous peine de voir leurs moyens de transport être mis en fourrière». Ce communiqué survient après que le ministère a constaté que l’activité des motos-taxis, absente du paysage abidjanais jusqu’à présent, était pratiquée depuis quelques semaines de façon informelle dans certains quartiers de la ville.
«Les activités de transport de personnes ou de marchandises sont soumises à autorisation préalable et à un régime particulier d’assurance qui, à ce jour, ne prend pas en compte les motos-taxis», a souligné le ministère des Transports.
Le 7 mai, les autorités ivoiriennes ont entamé une phase de répression qui, rien que la première journée, a vu la saisie de 364 motos et tricycles un peu partout dans la ville.
L’annonce de cette interdiction, présentée par les autorités comme une mesure censée assurer la sécurité des usagers, suscite de vives controverses entre ses partisans et ses opposants, notamment sur les réseaux sociaux.
Contrairement à d’autres grandes villes africaines comme Lomé, Cotonou ou Douala qui connaissent le transport de personnes à moto ou tricycle depuis longtemps, celui-ci est apparu il y a peu à Abidjan. Les autorités n’ont jamais favorisé le développement de l’activité dans la capitale économique ivoirienne.

© Photo. ministère des Transports Côte d'Ivoire
Des motos et tricycles saisis par les autorités ivoiriennes
Toutefois, à la faveur de l’ex-rébellion qui avait divisé de 2002 à 2011 la Côte d’Ivoire en deux, les motos-taxis sont apparus et ont connu un réel essor dans certaines villes sous occupation rebelle. C’est le cas notamment de Bouaké (ex-fief de la rébellion), la deuxième plus grande agglomération du pays, comme l’explique à Sputnik un analyste politique originaire de cette ville:
«Les motos-taxis sont apparus dans le pays pendant la période de rébellion. Les transports classiques n’étaient plus opérationnels. Les motos-taxis se sont alors présentées aux populations comme une aubaine, une alternative pour se déplacer aisément et à moindre coût. Avec le temps, ce mode de transport s’est ancré dans les usages», a déclaré au micro de Sputnik Diack Gassama, président d’un mouvement l’Alliance Citoyenne pour la Démocratie en Côte d’Ivoire, qui se veut proche de Guillaume Soro.
Devant l’essor des motos-taxis dans les villes du nord, le gouvernement a décidé de reconnaître l’activité en instituant dans l’annexe fiscale de 2018 une patente annuelle forfaitaire de 20.000 francs CFA (30 euros) pour les motos et 25.000 francs (38 euros) pour les tricycles utilisés pour le transport des personnes et/ou des marchandises.
Le ministère des Transports a par ailleurs offert en mars 2019 aux conducteurs de motos-taxis de Bouaké 1.000 casques et 1.000 chasubles. Cette action censée s’étendre à d’autres villes vise, selon les autorités, à sauver des vies, compte tenu des cas de décès de plus en plus fréquents causés par les accidents récurrents de ces engins.
Pourtant, de nombreux internautes dénoncent une «incohérence» dans la démarche du gouvernement qui, d’un côté, favoriserait l’activité des motos-taxis dans les villes de l’intérieur du pays, mais de l’autre, l’interdit à Abidjan.
«Soit le gouvernement considère que ce qui est bon pour Bouaké ne l’est pas pour Abidjan et donc l’annexe fiscale devrait exclure Abidjan, ce qui n’est pas le cas, soit il considère que la sécurité qui vaut pour les motos-taxis de Bouaké ne vaut pas pour ceux d’Abidjan. Que veut le gouvernement?», interroge dans une vidéo postée sur Facebook Mamadou Koulibaly, candidat à la Présidentielle de 2020.
Diack Gassama estime, pour sa part, que le statut de ville moderne d’Abidjan ne peut inciter à favoriser le développement de l’activité dans la ville.
«Il y a trois aspects essentiels qui ne favorisent pas l’exercice de l’activité à Abidjan: l’insécurité et aussi le désordre que les motos-taxis peuvent occasionner, surtout que les routes ne sont pas adaptées et l’image de marque de la ville», insiste le prédisent pour l’Alliance Citoyenne pour la Démocratie en Côte d’Ivoire.
La diffusion le 27 mai d’un entretien par Patrick Perdersen, le directeur général Afrique de la start-up française Heetch a encore corsé la polémique. Dans cet entretien, Patrick Pedersen fait part de son optimisme après que «les autorités du district d’Abidjan et des communes ont apprécié le projet» de la multinationale, qui envisage une implantation dans le pays en proposant aux usagers un service de commande de moto-taxi.
Heetch a, à cet effet, ouvert une page Facebook qui, depuis avril, annonce le «1er service de moto avec chauffeur» en Côte d’Ivoire, disponible via une application mobile. Les premiers quartiers d’Abidjan appelés à être desservis sont également précisés.
Le 29 mai, dans un communiqué publié sur sa page Facebook, la société Heetch a annoncé qu’elle «attend désormais la décision finale du ministère des Transports concernant le transport à moto pour savoir dans quel cadre réglementaire lancer son service».
La réaction du ministère ivoirien des Transports ne s’est pas fait attendre:
«En dépit de cette interdiction, il nous a été est donné de constater depuis quelques jours que la société Heetch Côte d’Ivoire a lancé une phase expérimentale de location de motos-taxis avec chauffeurs à Abidjan, en violation du communiqué du 2 mai 2019… Le ministère des Transports tient à préciser qu’aucun projet de moto- taxis n’est finalisé par ses services avec une quelconque entreprise.»
Contacté par Sputnik à plusieurs reprises pour exprimer son point de vue sur cette affaire, Patrick Pedersen s’est montré disponible avant, finalement, de se rétracter au dernier moment.
«Au vu des derniers événements et du communiqué du ministère, nous ne souhaitons pas prendre la parole en ce moment. Désolé de vous faire faux bond», a déclaré dans un mail à Sputnik le directeur général Afrique de Heetch, déclinant une demande d’entretien.
En Côte d’Ivoire, les 12.974 accidents de la circulation enregistrés en 2018, en incluant les motos-taxis, ont fait 837 morts et 23. 304 blessés, selon le Groupement des Sapeurs-Pompiers Militaires (GSPM).
Par sputnik
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