Facebook a annoncé mardi la levée du blocage en Australie des contenus d’actualité après un accord de dernière minute avec le gouvernement au sujet de la loi visant à contraindre les géants du numérique à rémunérer les médias pour leurs contenus. Le ministre des Finances, Josh Frydenberg, a annoncé un compromis qui permettra à chaque partie de sauver la face.
Trouvé au moment où le Parlement examine le projet de loi, ce compromis signifie que Facebook et Google – particulièrement visés par le projet — ne seront pas sanctionnés s’ils concluent certains accords avec des médias locaux pour payer les informations. Un délai de deux mois leur a été octroyé pour négocier ces arrangements et éviter un arbitrage contraignant.
Un compromis « raisonnable »
Ainsi, les médias australiens percevront des millions de dollars de Google et Facebook. De leur côté, les géants du numérique ne devront pas payer des sommes a priori plus élevées que celles consenties et cela évitera un précédent international. « Grâce à ces changements, nous pouvons désormais travailler à poursuivre notre investissement dans un journalisme d’intérêt public et rétablir dans les jours à venir pour les Australiens les informations sur Facebook », a déclaré le directeur général de Facebook Australia, Will Easton.
Quelques heures après l’annonce du compromis, Facebook a révélé un premier projet d’accord, avec le puissant groupe australien de médias Seven West.
« Nous sommes parvenus à un accord qui nous permettra de soutenir les groupes de presse que nous choisissons, y compris les petits et les locaux », selon Campbell Brown, vice-présidente de Facebook en charge des partenariats mondiaux pour l’information.
La semaine dernière, Facebook avait indigné l’Australie et de nombreux pays en bloquant la publication de liens d’informations provenant de médias locaux ou internationaux en riposte au projet de loi. Plusieurs pages Facebook officielles de services de secours avaient été involontairement affectées.
Google, qui avait un temps menacé de suspendre son moteur de recherche en Australie, avait accepté la semaine dernière de verser des « sommes significatives » en contrepartie des contenus de groupes de presse australiens dont News Corp. de Rupert Murdoch et Nine Entertainment, les deux principaux.
Le compromis annoncé a été qualifié de « raisonnable » par les commentateurs. « Tout le monde peut s’en aller en disant : nous avons obtenu ce que nous voulions », a déclaré à l’AFP Rob Nicholls, professeur de gestion à l’Université de Nouvelle-Galles du Sud.
Accord rangé dans un tiroir ?
Dès le départ, les géants de la tech s’étaient opposés à cette loi destinée à réguler les relations entre des médias traditionnels en grandes difficultés financières et les mastodontes qui dominent internet et captent une part importante des revenus publicitaires.
Ils redoutaient notamment un précédent qui menacerait leur modèle économique. Ils étaient également opposés à ce que ces négociations avec les médias soient obligatoires et que faute d’accord, un arbitre indépendant australien ne tranche.
Aux termes de ce compromis, ces mesures n’entreront pas en vigueur si les géants du numérique sont considérés comme ayant apporté une « contribution significative » aux médias australiens par le biais d’« accords commerciaux » non spécifiés.
« Nous sommes maintenant confrontés à l’étrange possibilité que le code de bonne conduite puisse être adopté par le Parlement et qu’il ne s’applique précisément à personne », a souligné Marcus Strom, chef du syndicat Alliance des médias, du divertissement et des arts. « Il restera dans le tiroir du ministre des Finances comme une menace pour les entreprises numériques qui se comportent mal ».
Une « bataille par procuration » pour d’autres pays
Facebook, moins dépendant que Google des contenus d’actualité, avait dit n’avoir pas intérêt à payer pour des informations.
« Il ne fait aucun doute que l’Australie a mené une bataille par procuration pour l’ensemble de la planète », selon M. Frydenberg.
Les détracteurs de projet de loi estiment qu’il sanctionne des entreprises prospères et revient à transférer de l’argent aux médias traditionnels en difficulté financière, mais influents politiquement.
Le secteur des médias a supprimé des milliers d’emplois en Australie durant la dernière décennie pendant que les recettes publicitaires allaient aux grandes firmes de la tech. Sur 100 dollars de publicité dépensés par les entreprises australiennes, 49 vont à Google et 24 à Facebook, selon l’autorité australienne de la concurrence.
Si Google et Facebook semblent avoir trouvé une solution en Australie, cela ne signifie pas la fin de leurs problèmes. L’Union européenne, le Canada et d’autres pays entendent également réglementer le secteur.
Les deux géants américains ont largement bénéficié de l’absence de régulation pour devenir des entreprises parmi les plus rentables au monde.
Par Ouest-France
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