
Il y avait deux gendarmes dans notre salle de bains, signe que la situation était sérieuse. Ils comptaient les brosses à dents, ce qui faisait moins sérieux. La scène était à la fois drôle et inquiétante. Ils étaient déjà allés dans la chambre pour s’assurer que le lit était double – en ayant la décence de le faire d’un coup d’œil plutôt qu’avec un mètre à ruban –, et pendant ce temps, ils nous avaient posé une kyrielle de questions sur notre vie commune : où s’était-on rencontrés ? où vivait-on avant ? avions-nous des enfants ?
Pour exprimer les choses autrement, en demandant la nationalité française, j’ai été amené à découvrir des aspects de l’administration française dont je ne soupçonnais pas l’existence, même après trente ans dans le pays. Alors que la date-butoir du Brexit s’approche à vitesse grand V, cette démarche est des plus urgentes. Une foule de personnes sont concernées, même si nul ne semble savoir exactement combien. Les estimations du nombre de Britanniques vivant en France peuvent atteindre 400 000, mais le chiffre le plus sûr – de l’Insee – est d’environ 150 000. Par parenthèse, c’est la moitié du nombre de Français résidant en Grande-Bretagne.
Personnellement, j’ai fait ce choix. Je ne me suis pas torturé l’esprit. Prendre la nationalité française était une formalité administrative comme un mariage après trente ans de vie commune. Et de toute façon, je pouvais conserver ma nationalité britannique. La loi française n’interdit pas la double nationalité – autrement dit d’avoir un pied dans chaque camp sur le champ de bataille de Waterloo. C’était parfait. Je pensais aussi que le fait d’avoir une épouse française me faciliterait la tâche.
Remplir un tas de documents officiels qui, mis bout à bout, feraient le tour de la Terre
Ce ne fut pas immédiatement évident. Les mois qui ont suivi ont été encore moins drôles que pour la plupart des démarches auprès de l’administration française. Il a fallu remplir un tas de documents officiels qui, mis bout à bout, feraient le tour de la Terre, faire un nombre invraisemblable de déclarations sur l’honneur et supporter la présence de gendarmes dans notre chambre. Ce n’est pas une critique. C’est leur pays (bon, le mien aussi à présent). Ils peuvent exiger ce qui leur plaît. Et, de toute façon, je ne me contenterais pas d’une nationalité au rabais distribuée comme des biscuits.
Bien sûr, j’aurais dû entamer la procédure plus tôt, mais je ne l’ai pas fait. Je menais tranquillement ma vie d’Européen depuis belle lurette et je croyais que le “maintien” dans l’Europe perdurerait après le référendum de 2016. Je n’avais pas le droit de voter, ayant quitté le pays depuis plus de quinze ans, mais
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