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Covid-19 : quelle place pour les pays pauvres dans la course aux vaccins ?

  
De nombreux Etats, qui n’ont pas les moyens de commander eux-mêmes d’importantes doses de vaccins ni d’en organiser la distribution, comptent sur les pays en voie de développement pour les aider.
 Une personne se fait injecter un vaccin potentiel contre le Covid-19 dans le cadre d’un essai clinique, en Afrique du Sud, le 24 juin 2020.
Une personne se fait injecter un vaccin potentiel contre le Covid-19 dans le cadre d’un essai clinique, en Afrique du Sud, le 24 juin 2020. AFP/Siphiwe Sibeko
Le 27 novembre 2020 à 17h58, modifié le 27 novembre 2020 à 18h15

Une partie de l'humanité va-t-elle se retrouver privée d'un vaccin contre une maladie qui touche toute la planète? Telle est la crainte de nombreuses ONG et de dirigeants à propos du Covid-19, alors que des millions de doses pourraient arriver dès la fin du mois de décembre en Europe ou aux Etats-Unis.

Les pays sous-développés, parfois tout autant touchés par la pandémie, risquent en effet d'être moins bien lotis et comptent sur la solidarité internationale. « Beaucoup de temps a été perdu mais beaucoup de choses se jouent encore maintenant. On est clairement à un moment décisif », estime Julia Heres Garcia, chargé de plaidoyer santé mondiale et égalité femmes-hommes chez Oxfam France.

Des millions de précommandes pour les pays riches

Pour le moment, sans surprise, les pays qui se taillent la plus grosse part du gâteau sont les grandes puissances. Le Canada a déjà précommandé près de 360 millions de doses auprès de sept fabricants, soit plus de 9 par habitant. Suivent l'Australie, le Royaume-Uni (plus de 5 doses par habitant chacun), l'Union européenne (3,6) et les Etats-Unis (3,1), d'après les données du Global Health Innovation Center.

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Bien sûr, les produits n'arriveront pas tous au même moment sur le marché et ne seront pas forcément tous autorisés par les agences du médicament, mais cela donne une indication de leur puissance commerciale.

Dispositif Covax

« Il y a eu une course au vaccin qui a mené à un accaparement très rapide de plus de la moitié des capacités initiales de production par les pays riches », grince Julia Heres Garcia. « Comme toujours, il y a un principe de réalité qui s'impose. Les vaccins vont d'abord aux pays riches pour des raisons financières et de capacité à les distribuer », note l'économiste Frédéric Bizard, professeur à l'ESCP et président de l'Institut de santé. Rien que pour le futur produit de Pfizer/BioNTech, les pays riches ont déjà réservé 85 % du nombre de doses produites l'an prochain, d'après les calculs du Center for Global Development.

Certains pays moins développés ont bien tâché de nouer des accords directement avec certains laboratoires pour passer commande à des prix moins élevés, mais le plus souvent sans grand succès.

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Un autre dispositif a été mis en place au niveau international. Le programme Covax est dirigé par la plate-forme Alliance Gavi, la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI) et l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Il regroupe près de 200 pays : la moitié d'entre eux finance l'achat de vaccins, l'autre moitié, plus pauvre, en bénéficie. L'objectif est que deux milliards de doses soient distribuées équitablement d'ici la fin 2021, c'est-à-dire qu'au moins 20 % de la population des pays les moins développés puissent être vaccinées.

L'Union européenne a annoncé le 12 novembre qu'elle participerait à hauteur de 500 millions d'euros, soit 100 de plus que prévus initialement. Au total, « Covax a levé 4 milliards d'euros, mais on est très loin d'avoir financé les besoins prévisibles des pays en voie de développement », souligne Frédéric Bizard.

Les dons, « pas une solution sur le long terme »

Pour compléter, on peut aussi imaginer qu'un pays décide de redistribuer une partie de ses propres doses à des pays moins développés. Mais on peine à penser que cela puisse se faire à très court terme, surtout si les quantités fournies sont limitées dans un premier temps.

« Rien n'est acté sur le nombre et les conditions, mais on se réserve le droit, au final, de donner des doses à des pays en voie de développement », nous glisse une source européenne. Une piste qui ne suscite pas forcément l'enthousiasme des ONG. « On ne va bien sûr pas s'opposer aux donations, mais on considère que ce n'est pas une solution sur le long terme. Il faut aussi donner la possibilité de produire des vaccins à plus grande échelle », juge Julia Heres Garcia.

VIDÉO. Les Etats-Unis espèrent distribuer 40 millions de doses de vaccins d'ici la fin de l'année

La production, justement, bute sur les questions des brevets. De nouvelles réunions sont prévues à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) les 10 puis 17 décembre afin de « lever les obstacles au partage de la propriété intellectuelle », indique la responsable. Plusieurs ONG estiment que le système actuel permet aux mastodontes de l'industrie pharmaceutique de contrôler les quantités produites en « bloquant » leurs rivaux et de pouvoir ainsi augmenter les prix.

La Chine à l'affût en Afrique

Enfin, si l'achat de vaccins est une chose, les distribuer aux populations des pays pauvres en est une autre. Et cela s'annonce tout aussi compliqué, s'agissant de régions où le système de santé est souvent défaillant. « Nous ne reculerons devant aucun effort pour assurer l'accès abordable et équitable (aux vaccins, tests et traitements, NDLR) de tous », ont garanti les pays du G20 dans leur déclaration finale, dimanche dernier. Mais, dans la foulée, la chancelière allemande Angela Merkel s'est dite « inquiète que rien n'ait été encore fait » concrètement sur ce plan. « Ce qui n'est pas organisé, c'est toute la partie distribution et la question du timing », regrette le député européen Pascal Canfin (ReNew Europe).

L'ancien élu écologiste craint que d'autres puissances profitent de ces lenteurs pour avancer leurs pions sur la scène internationale. « Au-delà de l'enjeu de santé publique et humanitaire, il y a aussi une diplomatie du vaccin. Si on ne se met pas en ordre de marche pour dire à ces pays plus pauvres : voilà comment on s'organise, de façon très concrète, pour vous permettre d'accéder au vaccin, on laisse la place aux autres et notamment à la Chine et à la Russie qui ne partagent pas forcément les mêmes intérêts ni les mêmes valeurs », craint-il. « Les Chinois et les Russes pourront leur vendre des doses à un prix avantageux et utiliser les vaccins comme un outil de soft power diplomatique, avec d'autres contreparties en échange », renchérit Frédéric Bizard.

Le président chinois, Xi Jinping, l'a d'ailleurs annoncé le 17 juin dernier, lors d'un sommet Chine-Afrique en visioconférence : « Les pays africains seront parmi les premiers bénéficiaires d'un vaccin fabriqué en Chine. »

Source: leparisien.fr

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