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Covid-19 : « Pékin fait tout pour dissuader d’entrer en Chine en ce moment, même si vous êtes Chinois »

A Pékin, le 16 novembre 2020. 
Durant tout le premier semestre de l’année, « les Chinois ont évité de sortir et de se rassembler même quand cela était autorisé », analyse le correspondant du « Monde » à Pékin, Frédéric Lemaître.

Dans un tchat avec les internautes du Monde, notre correspondant à Pékin, Frédéric Lemaître, est revenu sur l’épidémie de Covid-19 en Chine.

Zab : Sait-on le nombre réel de morts du Covid-19 en Chine ?

Frédéric Lemaître : Officiellement, il y a 4 634 morts du Covid-19 en Chine continentale. La quasi-totalité des victimes ont succombé dans la province du Hubei, et notamment à Wuhan, en février et mars. Ce bilan est sans doute en partie sous-estimé, parce que les autorités n’ont pas attribué au Covid-19 le décès de personnes touchées par une autre maladie. Mais rien ne permet aujourd’hui d’affirmer que cette sous-estimation a été massive, ni à Wuhan ni dans le reste du pays. Je ne vois pas comment les autorités auraient pu cacher de nombreux décès dans les hôpitaux de Shanghaï ou de Pékin, par exemple.

Albert : Quelles sont les règles appliquées en Chine ? Gestes barrières, télétravail, plus ou moins stricts que chez nous ?

D’abord, on ne peut pas affirmer qu’il n’y a aucun cas déclaré. Pas plus tard qu’aujourd’hui, la ville de Tianjin (15 millions d’habitants), à 130 kilomètres de Pékin, a révélé l’existence de quatre nouveaux cas. Mais vous avez raison, rapporté à la population du pays, le nombre de nouveaux cas est depuis plusieurs mois resté marginal.

Avec le recul, on se rend compte qu’en début d’année l’épidémie est restée un phénomène d’ampleur régionale. Elle a touché la province du Hubei, mais, en raison du confinement, pas vraiment le reste du pays. La Chine a alors pu déployer des moyens considérables, envoyant plus de 40 000 personnes à Wuhan afin d’aider les équipes médicales locales.

Depuis, la Chine est un pays quasi fermé au reste du monde. Le nombre de vols internationaux prévus entre octobre 2020 et mars 2021 est inférieur de 96 % à celui de la même période un an plus tôt. Et toute personne entrant en Chine est testée et mise en quatorzaine dans un hôtel. Surtout, dès qu’un cas apparaît, le pays procède à des tests massifs (11 millions à Pékin en juin, soit environ la moitié de la population), isole les malades et traque tous les cas contacts, repérés essentiellement par le biais des téléphones portables.

Mireille : Les lieux de sociabilisation type bar, resto, boîte de nuit, etc. sont-ils ouverts ? Si oui, les gens sont-ils masqués ?

Oui, tous les commerces, y compris les restaurants et les boîtes de nuit sont à nouveau ouverts. Les employés sont masqués, mais pas les clients. Théâtres et cinémas ne fonctionnent qu’à 75 % de leur capacité. Je ne pense pas que le télétravail soit encore très appliqué. La température est encore contrôlée à l’entrée de nombreux bâtiments.

Néanmoins, ces généralités sont à prendre avec réserve, tant la situation évolue rapidement et dépend de circonstances locales. Par exemple, dans telle ville, tel hôtelier vous refusera si vous êtes passé durant les deux dernières semaines dans un quartier de Shanghaï où un cas a été signalé récemment. Un de ses collègues, lui, vous demandera un test. Il y a un mois, une ville du Hunan dans laquelle je suis passé refusait aux étrangers qui étaient en transit entre deux trains de sortir de la gare.

Du côté des gestes barrières, il me semble que ceux-ci sont de moins en moins respectés. Les transports en commun sont à nouveau très utilisés. On peut à nouveau circuler normalement en Chine, mais, néanmoins, si l’on passe d’une province à l’autre, il vaut toujours mieux se renseigner, car les restrictions sont nombreuses et imprévisibles. Après l’annonce de quatre cas à Tianjin aujourd’hui, les habitants de cette ville, ou ceux qui s’y sont rendus au cours des deux dernières semaines, vont avoir du mal à se déplacer dans le reste du pays pendant les jours à venir.

Dubitatif : Quelle a été la stratégie exacte de la Chine pour « enrayer l’épidémie » ?

Jusqu’au début de juin, le pays est resté quasi confiné alors même que les cas de Covid-19 étaient relativement rares et quasi limités au Hubei. Il y a eu quelques cas autour d’un marché de Pékin à la mi-juin, et la moitié de la ville a été testée !

Durant tout un semestre, les Chinois ont eu peur, ils ont évité de sortir et de se rassembler, même quand cela était autorisé. Cela a évidemment freiné la propagation du virus. C’est un peu comme si toute l’Europe s’était confinée alors qu’une seule région française avait été touchée.

Biscotte : Les frontières sont-elles toujours fermées ?

La Chine n’accorde plus de visas depuis le début de novembre aux personnes résidant au Royaume-Uni, en France, en Belgique, en Inde et aux Philippines. Pour la plupart des autres pays, il faut avoir fait deux tests au cours des quarante-huit heures précédant le départ, ce qui, bien souvent, constitue un exploit organisationnel.

Par ailleurs, il n’y a presque plus de vols internationaux. Enfin, à l’arrivée, vous êtes, bien entendu, encore testé et mis en quatorzaine dans un hôtel, qui vous est imposé… et facturé. Bref, Pékin fait tout pour dissuader d’entrer en Chine en ce moment, même si vous êtes Chinois.

Lire notre récit : Contre le Covid-19, la Chine ferme ses frontières

Mike : Nous avons très peu de données économiques sur la Chine aujourd’hui : reprise de la production industrielle, évolution du PIB… Pouvez-vous nous faire un point rapide ?

Le Monde publie régulièrement des points sur la conjoncture chinoise. L’activité économique a repris progressivement depuis juin. La production industrielle et les exportations au troisième trimestre sont en nette progression.

Pour avoir procédé à plusieurs déplacements dans le pays au cours des dernières semaines, tant dans le centre, le sud, que le nord-ouest, je dois vous dire que je suis stupéfié par le nombre de chantiers en cours. Je n’ai jamais vu autant de grues et de toupies à béton de ma vie.

Reste que la consommation est toujours faible, parce que nombre de Chinois modestes ont vu leur pouvoir d’achat amputé par le Covid-19 en début d’année. Néanmoins, la Chine devrait être le seul pays du G20 à afficher une croissance positive cette année.

Gabriel : Où en est-on de l’enquête sur l’origine du virus ?

Beaucoup de Chinois sont convaincus que le virus a été importé par les Occidentaux. De même, la Chine, à la différence de l’OMS, insiste sur la contamination par le biais de différents emballages de nourriture congelée importée. Mais Pékin s’oppose, de fait, à toute enquête approfondie, menée par des chercheurs internationaux, sur son territoire.

Par

LE MONDE

 

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