Elle a eu cette petite phrase au début de son speech, presque comme une excuse : « Beaucoup de gens
hésitent à regarder à la télé une convention politique, par les temps qui courent. » On ne sait pas encore combien de millions d’Américains ont suivi le premier soir de la convention démocrate, ce lundi 17 août, et tous les sondages indiquent que l’intérêt du pays pour cette présidentielle est incroyablement élevé. Mais Michelle Obama a raison : il y avait quelque chose d’irréel dans ce spectacle virtuel, en pleine crise du coronavirus.Deux heures de publi-reportage en studio, c’est long. Et pour avoir suivi de nombreuses conventions en chair et en os, on ne pouvait s’empêcher de comparer. Oui, les « vraies » conventions étaient bouffies de discours ennuyeux, de foules partisanes bêtasses, de chapeaux et de langues de belle-mère débiles. Mais cela vivait, cela vibrait, s’embrassait, riait, gueulait, qu’on aime ou pas l’exercice. C’était l’Amérique, crasse et attachante. Le virus a tout gommé. Lundi soir, les discours sous cellophane se sont suivis, entrecoupés de « témoignages » d’Américains lambda convenus, de présentations (bien ficelées) de l’actrice Eva Longoria et - tout de même - d’une ou deux belles vidéos musicales où l’on pouvait apercevoir Bruuuuuuuce et son gilet de rocker au côté de son épouse.
Michelle Obama dézingue Donald Trump
Pour revenir au clou de cette première soirée, Michelle Obama a fourni l’illustration parfaite des limites du « format Covid ». Son discours était parfait, aussi fort que celui d’il y a quatre ans et dévastateur pour l’occupant de la Maison-Blanche. Une « First Lady », normalement, y va mezzo voce pour ce qui est d’attaquer le président ayant succédé à son époux. Mais Trump est hors normes, il n’a cessé de traîner Barack Obama dans la boue depuis qu’il a pris sa succession, et Michelle Obama s’est fait un plaisir de dézinguer méthodiquement ce président « clairement largué », incarnant « le chaos, la division et un manque total d’empathie ». Et elle a imploré les électeurs de voter tôt, des semaines avant le scrutin si possible, et de tout faire pour que ce président kleptomane ne vole pas l’élection.
La charge portait d’autant plus qu’elle était baignée d’une émotion réelle - un « discours moral », comme l’a noté David Axelord, l’ex-stratège de Barack Obama. Le discours d’une femme libre et non-conventionnelle, qui n’a pas hésité à répéter, lundi soir : « Je déteste la politique ».
Atmosphère fadasse
Seulement voilà, Michelle était assise dans une pièce fadasse, sans public, sans écho, sans cette électricité qui fait un grand discours. Pas sa faute, pas la nôtre mais le résultat était là : une frustration palpable. Elle a couru tout au long de cette soirée, même quand Bernie Sanders a « fait le job » et appelé sans la moindre ambiguïté à voter pour Joe Biden. Le malaise a disparu par moments, en particulier avec le témoignage très fort d’une jeune femme dont le père trumpiste, qui avait trop écouté les propos rassurants de son héros, est mort du Covid. Ou d’Andrew Cuomo, le gouverneur de New York, auteur d’un discours sobre et excellent dans sa métaphore d’une Amérique au « corps malade ».
Mais le fait est là : les conventions, cette année, ne seront qu’une étape rapide, vite oubliée, sur le chemin de la présidentielle. Des regrets ? Réelles ou virtuelles, elles n’ont pratiquement jamais eu d’influence sur les campagnes présidentielles. N’empêche : saleté de virus. Avec lui, the show can’t go on. Même avec Michelle.
Par L'OBS
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