« Dans cette lettre, je demande à ce que les restes mortuaires qui sont en Belgique nous soient
restitués, pour que l’on puisse, enfin, enterrer notre père dignement. Ses restes sont séquestrés au Palais de justice en Belgique. C’est avec certitude que l’on sait que c’est sous-scellé au Palais de justice, parce qu’il y avait le fameux individu, qui était sorti à la télévision, en disant qu’il avait gardé deux dents de Lumumba. C’est qu’il l’avait torturé. On a trouvé ça et ça été pris et mis sous scellé. C’est pour cela que, quand on l’a su, je crois que c’est la fin d’un processus, d’une espérance. Parce qu’il y a eu différentes démarches, mais qui n’ont pas abouti à grand-chose. Pour ma famille, donc mes frères et moi, c’est la fin de notre devoir d’enfants d’enterrer notre père. Mon père et ses compagnons sont morts pour ce pays. Ils ont versé leur sang dans ce pays. Ses restes doivent rentrer chez lui », a écrit sa fille, Juliana Amato Lumumba, dans une lettre adressée au monarque belge, Philippe.La lettre, vue mardi par l’AFP, est datée du 30 juin — le 60ème anniversaire de l’indépendance du Congo.
Philippe, dans un geste historique, avait choisi cet anniversaire pour exprimer ses « regrets les plus profonds » pour la « souffrance et l’humiliation » infligé au Congolais par la Belgique.
Selon les historiens, des millions de personnes ont été tuées, mutilées ou sont mortes de maladie alors qu’elles travaillaient dans les plantations d’hévéas appartenant au roi Léopold II du XIXe siècle.
Panafricaniste charismatique qui a joué un rôle clé dans la lutte pour l’indépendance, Lumumba a été nommé, à l’âge de 34 ans seulement, premier Premier ministre du pays nouvellement décolonisé.
En présence du roi Baudouin, il a profité du moment de l’indépendance pour s’en prendre aux anciens maîtres coloniaux qui avaient infligé des mauvais traitements racistes et imposé un « esclavage humiliant » au peuple congolais.
Mais le séjour de Lumumba au pouvoir a été de courte durée. En quelques mois, le pays a été plongé dans une crise par une mutinerie de l’armée et la sécession de la province du Katanga, riche en minerais, une crise alimentée par l’implication belge.
Lumumba a été renversé, puis emprisonné, torturé et finalement tué par un peloton d’exécution agissant sous les ordres des sécessionnistes. Quarante ans plus tard, la Belgique a reconnu qu’elle portait la « responsabilité morale » de sa mort.
« Héros sans tombe »
En 2000, le commissaire de police belge Gérard Soete a déclaré à l’AFP qu’il avait découpé le corps de Lumumba et ceux de ses compagnons, Joseph Okito et Maurice Mpolo, puis dissous les restes dans de l’acide.
Mais dans un documentaire diffusé la même année sur la chaîne de télévision allemande ARD, Soete a montré deux dents qui, selon lui, appartenaient à Lumumba.
En 2016, un universitaire belge, Ludo De Witte, a porté plainte contre la fille de Soete après qu’elle a montré une dent en or, qui selon elle appartenait à Lumumba.
Dans la lettre de Juliana Lumumba, elle affirme que son père est un « héros sans tombe. »
Elle a condamné « les déclarations ignobles faites en Belgique sur la détention de certains de ses restes » et a dénoncé la réponse ambiguë des autorités.
« Les restes de Patrice Emery Lumumba sont utilisés d’une part comme trophées par certains de vos concitoyens, et d’autre part comme biens funéraires séquestrés par la justice de votre royaume », explique Juliana.
Par okayafrica avec Afrikmag
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