
Le covid-19 provoque une bouffée de chaleur entre le Kenya et la Tanzanie, deux pays voisins de
l’Afrique de l’Est souvent en concurrence. Alors que Nairobi a opté pour le confinement, Dar Es Salam a choisi le non confinement doublé d’une crise avec l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Cette semaine, le président de la Tanzanie, John Pombe Magufuli, a célébré sa politique plutôt controversée contre la pandémie de coronavirus, un regard posé sur le voisin.Le Kenya a multiplié les mesures strictes, y compris les couvre-feux, les tests des chauffeurs de camion entre les deux pays, l’arrêt des rassemblements sociaux, y compris l’église et les écoles, et le recours aux tests de masse. «Nous avons été occupés dans nos fermes à produire de la nourriture alors qu’ils (les kenyans) étaient en confinement . Maintenant, ils nous demandent de la nourriture. Vous devez faire attention à ne pas leur vendre cette nourriture et si vous décidez de la vendre, elle doit être chère, très chère», a déclaré M. Magufuli. Le président tanzanien a poussé sa théorie anti- OMS jusqu’à interdire l’utilisation de masque chez ses compatriotes.
Les propos du Dr Magufuli ont été considérés comme une attaque contre le Kenya qui dépend dans une large mesure de l’approvisionnement en produits frais de la Tanzanie. Les deux pays sont à couteaux tirés à cause entre autres d’approches politiques contrastées pour atténuer la pandémie de coronavirus. Tout a commencé lorsque le président Uhuru Kenyatta du Kenya a annoncé le 16 mai la fermeture des frontières avec la Somalie et la Tanzanie suite à des cas importés de covid-19 en provenance des deux pays.
“Si nous ne prenons pas de mesures supplémentaires pour devenir encore plus sérieux dans la mise en œuvre des directives existantes, le nombre de personnes qui tomberont malades et mourront va augmenter fortement”, avait déclaré le président Kenyatta dans un discours télévisé. Et avec cela, le Kenya a empêché 78 chauffeurs routiers de Tanzanie d’entrer dans le pays.
La réaction de la Tanzanie a été rapide. Un commissaire régional de Tanga, Martine Shidela, a interdit à tous les camions kenyans d’entrer en Tanzanie par tous les points d’embarquement, y compris Namnga et Hororo. «Je dis aux autorités qu’à partir d’aujourd’hui, ils ne permettront à aucun camionneur venant du Kenya d’entrer dans notre pays. Les Tanzaniens qui ont tenté de traverser la frontière avec le Kenya sont vraiment confrontés à des défis. Ne vous embêtez plus à y aller». Mais le haut-commissaire du Kenya en Tanzanie, l’ambassadeur Dan Kazungu, a lancé une offensive de charme en disant que le coronavirus ne devrait pas diviser la région et que les dirigeants devraient saisir l’occasion pour renforcer les liens.
En ce moment là, des centaines de camionneurs étaient coincés de chaque côté de la frontière, violant tous les protocoles de distanciation sociale et faisant craindre les infections alors que les produits frais tels que les oranges, les tomates et les oignons commençaient à pourrir. Le président Magufuli a ensuite annoncé qu’ils avaient eu une conversation téléphonique avec son homologue kenyan et que les ministres concernés de chaque pays se rencontreraient et régleraient les choses. “Concentrons-nous sur les économies de nos pays. Uhuru et moi avons discuté et résolu le problème », avait-il annoncé le 20 mai.
Magfulli, un président non conventionnel
Pour rappel, le président Magufuli, titulaire d’un doctorat en chimie de l’Université de Dar es Salaam, est en bisbille avec l’OMS. L’organisation mondiale doute de l’approche conventionnelle du président tanzanien dans sa risposte contre la pandémie Covid-19. Celui-ci a publiquement dénoncé la fiabilité des tests mis à disposition par le Centre africain (CDC) sous la supervision de l’OMS et sera l’un des premiers pays à importer le remède malgache Covid-organics. “Mon propre fils a contracté le coronavirus mais après avoir pris une potion qui comprend de la chaux, il va maintenant bien et fait de l’exercice”, a annoncé Magufuli dans une de ses sorties controversées sur la pandémie. Quant au président Kenyan, il est plutôt conventionnel dans son approche.
Cette impasse entre les deux pays les a replongé au temps de leurs rivalités lors des premiers jours de la Communauté de l’Afrique de l’Est. A l’époque, le père fondateur de la nation tanzanienne Mwalimu Julius Nyerere décrivait le Kenya comme une société où l’homme mange l’homme par son avarice et ses tendances capitalistes. Le modèle tanzanien fondé sur le socialisme africain à travers le programme Ujamaa se voulait tourné vers l’homme pour l’homme. La dernière impasse commerciale s’inscrit donc dans une longue histoire d’incidents, de petites phrases et de rivalités entrecoupées de période d’ accalmie. Il y a trois ans, la Tanzanie avait incinéré plus de 6000 poussins qui, selon elle, avaient été importés illégalement dans le pays et un an après, a imposé un droit d’importation de 25% sur les confiseries venant du Kenya malgré un tarif douanier à taux zéro en Afrique de l’Est.
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