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Jeff Sessions, ex-ministre et souffre-douleur de Trump, se rebiffe

 
Les multiples humiliations publiques imposées par Donald Trump à son ministre de la Justice
n'avaient jamais semblé susciter de réaction forte de sa part. Jusqu'à cette semaine.
Entre Jeff Sessions et Donald Trump, tout avait pourtant bien commencé. Sessions, sénateur de l'Alabama depuis 1996, a été le premier parlementaire d'envergure à soutenir la candidature du milliardaire, s'affichant dès l'été 2015 avec une casquette «Make America Great Again» lors d'un meeting. Tenant d'une ligne dure contre l'immigration, il a trouvé dans les diatribes nationalistes de Donald Trump un écho à son propre combat. Un de ses anciens collaborateurs parlementaires, Stephen Miller, est, aujourd'hui encore, l'un des personnages-clés de la Maison-Blanche, architecte de nombreuses mesures considérées comme cruelles envers les migrants qui tentent de rejoindre les Etats-Unis. Après sa victoire, Donald Trump a fait de Jeff Sessions son «attorney general», le ministre de la Justice, un poste prestigieux et aux pouvoirs très étendus.
Une fois à son poste, Jeff Sessions est devenu l'un des membres les plus efficaces de l'administration Trump, mettant en œuvre avec zèle des politiques dénoncées comme xénophobes par l'opposition démocrate. Il a même été jusqu'à citer la Bible pour justifier la politique de séparation des parents et des enfants entrés illégalement aux Etats-Unis. Mais son dévouement à appliquer les aspects les plus radicaux du programme trumpien n'a pas sauvé Jeff Sessions de l'ire présidentielle, y compris en public, dès le mois de juillet 2017, à peine plus de cinq mois après sa nomination. Sa faute : s'être récusé, dès mars 2017, de la supervision des investigations relatives à l'élection de 2016 et notamment, au rôle joué par la Russie.

Dès mai 2017, Trump exige la démission de Sessions, qui la lui donne. Il ne partira qu'en novembre 2018

Ainsi que l'a amplement documenté le rapport du procureur spécial Robert Mueller, Donald Trump n'a cessé de se plaindre de la décision de Jeff Sessions, dictée par l'éthique et par un souci de préserver l'indépendance des enquêteurs. Sessions avait en effet affirmé devant le Sénat n'avoir eu aucun contact avec des Russes durant la campagne, ce qui était faux. Cette omission ne lui coûta pas sa nomination, mais le contraint à prendre ses distances avec l'enquête russe. Pour Donald Trump, pourtant, il était incompréhensible que «son» ministre ne se charge pas de le protéger d'éventuelles procédures judiciaires. «Vous allez me dire que Bobby [Kennedy] ne parlait pas des enquêtes avec [John F. Kennedy]? Ou qu'Obama ne disait pas à Eric Holder sur qui enquêter?», explosa le président au lendemain de l'annonce de Jeff Sessions, semblant ignorer que depuis les années 1970 et le scandale du Watergate, une subtile séparation s'est opérée entre la présidence et le ministère de la Justice.
Dès le mois de mai 2017, la pression est devenue intenable pour Jeff Sessions, avec la nomination du procureur Mueller, décidée hors de son contrôle par un de ses subordonnés et que le ministre a dû lui-même annoncer à Donald Trump. «Oh mon Dieu, c'est terrible. C'est la fin de ma présidence. Je suis baisé», a répondu le président à son ministre. «Comment as-tu pu laisser faire ça, Jeff?», a tonné le milliardaire, exigeant sa démission. Jeff Sessions, l'un de ses plus fidèles soutiens, s'est exécuté et a immédiatement rédigé une lettre. Il n'a finalement quitté son poste qu'en novembre 2018.
Dans les médias et sur Twitter, Donald Trump n'a eu de cesse, à partir de juillet 2017, de malmener Jeff Sessions. Jamais un président n'avait avec autant d'insistance multiplié les critiques contre un membre de son administration, le qualifiant tour-à-tour de «très faible à propos des crimes d'Hillary Clinton» dans un tweet ou de «sudiste abruti» selon le journaliste Bob Woodward. Même après sa démission, le président a poursuivi l'ancien ministre de sa vindicte. Alors que Jeff Sessions tente de reconquérir son siège au Sénat dans l'Alabama en novembre prochain, Donald Trump a apporté en mars dernier un soutien tonitruant à un rival républicain de l'ex ministre. Jeff Sessions avait pourtant tenté de se réconcilier avec Trump en novembre 2019 : dans un spot intitulé «Premier à l'avoir soutenu», il avait rappelé son adhésion sans faille au «programme de Trump» et il avait même enfilé la fameuse casquette rouge «Make America Great Again». En vain.
Vendredi, toutefois, il semble que Jeff Sessions en a eu assez du harcèlement de Donald Trump. Dans un énième tweet mesquin, Donald Trump a de nouveau attaqué l'ancien ministre : «Il y a trois ans, après que Jeff Sessions se soit récusé, la frauduleuse arnaque Mueller a commencé. Alabama, ne faites pas confiance à Jeff Sessions. Il a laissé tomber notre pays. C'est pour ça que je soutien le coach Tommy Tuberville, le vrai défenseur de notre programme MAGA!» L'affront de trop pour Sessions, qui a fait une réponse cinglante à son tourmenteur. «Ecoutez, je connais votre colère, mais la récusation était exigée par la loi. J'ai fait mon devoir et vous avez une sacrée chance que ce soit le cas. Cela a protégé l'Etat de droit et a permis votre exonération. Ce ne sont pas vos sentiments personnels qui déterminent qui l'Alabama choisira comme sénateur, mais le peuple de l'Alabama», a d'abord tweeté Jeff Sessions. Puis, rappelant son engagement précoce aux côté du milliardaire, il a enfoncé le clou : «Monsieur le Président, l'Alabama me fait confiance, tout comme les conservateurs partout dans le pays. Peut-être l'avez-vous oublié. Ils me faisaient confiance quand j'ai pris un risque et que j'ai mis cette confiance en jeu, pour vous.»
Ce changement de ton, inattendu après tant d'années passées à encaisser les brimades présidentielles, reflète sans doute la situation très précaire du candidat Sessions. Selon le site d'actualités locales AL.com, un sondage paru cette semaine donne un net avantage à Tommy Tuberville, le candidat dont Trump vante les mérites, dans une primaire qui doit se tenir en juillet prochain. Comme si, pour les électeurs républicains, le soutien de Donald Trump valait plus que n'importe quel argument.
Par Paris Match

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