
Nous avons reçu une patiente de 62 ans aux urgences dans la nuit de jeudi à vendredi 17 avril
presentant les antécédents de diabetes, problème cardiaque emmenée en consultation pour toux, asthénie intense, douleur thoracique. À l examen physique, elle avait des signes d atteinte pulmonaire mais avec un état général conservé,Nous l avons régulièrement prise en charge comme tous les autres patients jusqu'à
samedi dans la mi-journée où nous commençons à avoir des soupçons du covid 19 car sortait d'une manifestation publique il y a 14 jours temps d incubation du virus. Pendant que nous investiguons là Dessus, mes collègues et moi, elle entre en détresse respiratoire et nous la mettons en soins intensifs sous oxygenotherapie. Malgré nos efforts, elle décède.
J'usque là, il n'y a pas de problème. C'est lorsque nous informons le responsable de la famille que leur maman est un cas suspect de covid 19 et que conformément à la réglementation en vigueur, nous ne pouvons pas leur remettre le corps, nous saisissons les services de santé compétents et les autorités, que la famille se retourne contre nous et principalement moi en apprenant cette nouvelle. Je tiens à rappeler à toutes fins utiles qu' actuellement nous sommes au stade 2 de l'épidémie c'est à dire diffusion communautaire
Samedi soir, c'est un tollé général à l'hôpital. Je reçois les premiers coups de poings et je n'ai pas d'autres solutions que de m'enfermer dans mon bureau et communiquer par téléphone. j'ai eu la vie sauve grâce à l'arrivée des forces de l'ordre en grand nombre pour pouvoir contenir tant soit peu, les 400, 500 ou 600 personnes je ne peux pas donner le nombre exact puisque je n'avais jamais vu autant de personnes à l'hôpital CEBEC Bonabéri depuis que j'y suis comme médecin chef. Beaucoup disaient que le covid n'existe pas, c'est une affaire politique au point d'y mettre même le nom du Chef de l'Etat. Bref que leur maman qui était une "reine mère", ne peut pas être morte de covid 19.
Autour de 22h, le sous-préfet, le maire, le chef de district de santé, les responsables des forces de l'ordre de Douala 4è, sont venus à l'hôpital et il était question d'enterrer ce corps cette nuit de samedi 18 avril, conformément à la réglementation en vigueur. Cet enterrement n'a pas pu avoir lieu parce qu'il n'a pas été possible de creuser la tombe cette nuit là et décision a été prise d'inhumer dès 6 h le dimanche matin.
Le dimanche matin, Mme le chef de district de santé était là très tôt avec ses techniciens compétents pour la manipulation des cas confirmés ou suspects du covid 19. Ils ont fait leur travail, conformément aux règles d'usage et tous les endroits par lesquels cette maman et nous-mêmes sommes passés ont été désinfectés.
Ne sachant pas que des gros bras m'attendaient devant mon bureau, dès que j'ouvre la porte pour remettre le certificat de genre de mort que je venais de signer à un de mes collaborateurs, je suis cueilli comme une mangue, mis au sol, tabassé copieusement par je ne sais combien de personnes. N'eut été l'intervention du comptable qui lui-même aussi a reçu pas mal de coups et pendant qu'on criait, l'intervention de mon grand frère et mon petit frère qui sont arrivés avec moi ce matin l'un comme "chauffeur de circonstance" et l'autre juste comme "accompagnateur de circonstance", ces bourreaux là m'auraient tué sans aucun ménagement.
Les forces de l'ordre sont venues en renfort plus tard mais le comptable et moi-même surtout moi puisque leur mission etait de m'éliminer physiquement et ils me l'ont dit, étions déjà bien tabassés.
Tous mes habits étaient déchirés, je me suis retrouvé presque nu devant le public et mon personnel.
Malgré ce tollé, force est revenue à la loi. Le corps de cette maman a été conduit au cimetière de Bonabéri et je suppose qu'il a été enterré puisque je n y suis pas allé.
J'ai reçu des promesses de mort multiformes. Pendant que les hommes misaient plus sur le physique, les femmes n'hésitaient pas à me dire qu'elles sont originaires du Manfé et que j'allaient moi-même mourir dans les prochains jours pour avoir osé dire que leur reine mère est un cas suspect de covid 19, diagnostic que je n'ai pas fait seul et malgré les risques que mon personnel et moi-même avons couru car avec un minimum de protection, nous sommes entrés en contact avec cette patiente.
Personnellement, je n'ai pas le sentiment d'avoir commis un quelconque délit. J'ai fait mon travail de médecin et je me suis conformé à la réglementation en vigueur au Cameroun en matière de gestion des cas confirmés ou suspects de covid 19.
J'en appelle simplement aux autorités de la république, afin qu'elles puissent mettre à la disposition du personnel soignant, un minimum de sécurité en permanence pour que des personnes qui jusqu'à ce jour continuent de nier l'existence de cette maladie, n'aient plus la possibilité de tabasser des pauvres médecins que nous sommes et qui donnons le maximum de nous-mêmes pour sauver des vies et parfois, au péril de nos propres vies.
Voilà ce qui s'est réellement passé à l'hôpital CEBEC Bonabéri ces 18 et 19 avril 2020.
Dr Frédérik Landry Eyoum Eboa Médecin chef hôpital CEBEC
BORIS BERTOLT
Samedi soir, c'est un tollé général à l'hôpital. Je reçois les premiers coups de poings et je n'ai pas d'autres solutions que de m'enfermer dans mon bureau et communiquer par téléphone. j'ai eu la vie sauve grâce à l'arrivée des forces de l'ordre en grand nombre pour pouvoir contenir tant soit peu, les 400, 500 ou 600 personnes je ne peux pas donner le nombre exact puisque je n'avais jamais vu autant de personnes à l'hôpital CEBEC Bonabéri depuis que j'y suis comme médecin chef. Beaucoup disaient que le covid n'existe pas, c'est une affaire politique au point d'y mettre même le nom du Chef de l'Etat. Bref que leur maman qui était une "reine mère", ne peut pas être morte de covid 19.
Autour de 22h, le sous-préfet, le maire, le chef de district de santé, les responsables des forces de l'ordre de Douala 4è, sont venus à l'hôpital et il était question d'enterrer ce corps cette nuit de samedi 18 avril, conformément à la réglementation en vigueur. Cet enterrement n'a pas pu avoir lieu parce qu'il n'a pas été possible de creuser la tombe cette nuit là et décision a été prise d'inhumer dès 6 h le dimanche matin.
Le dimanche matin, Mme le chef de district de santé était là très tôt avec ses techniciens compétents pour la manipulation des cas confirmés ou suspects du covid 19. Ils ont fait leur travail, conformément aux règles d'usage et tous les endroits par lesquels cette maman et nous-mêmes sommes passés ont été désinfectés.
Ne sachant pas que des gros bras m'attendaient devant mon bureau, dès que j'ouvre la porte pour remettre le certificat de genre de mort que je venais de signer à un de mes collaborateurs, je suis cueilli comme une mangue, mis au sol, tabassé copieusement par je ne sais combien de personnes. N'eut été l'intervention du comptable qui lui-même aussi a reçu pas mal de coups et pendant qu'on criait, l'intervention de mon grand frère et mon petit frère qui sont arrivés avec moi ce matin l'un comme "chauffeur de circonstance" et l'autre juste comme "accompagnateur de circonstance", ces bourreaux là m'auraient tué sans aucun ménagement.
Les forces de l'ordre sont venues en renfort plus tard mais le comptable et moi-même surtout moi puisque leur mission etait de m'éliminer physiquement et ils me l'ont dit, étions déjà bien tabassés.
Tous mes habits étaient déchirés, je me suis retrouvé presque nu devant le public et mon personnel.
Malgré ce tollé, force est revenue à la loi. Le corps de cette maman a été conduit au cimetière de Bonabéri et je suppose qu'il a été enterré puisque je n y suis pas allé.
J'ai reçu des promesses de mort multiformes. Pendant que les hommes misaient plus sur le physique, les femmes n'hésitaient pas à me dire qu'elles sont originaires du Manfé et que j'allaient moi-même mourir dans les prochains jours pour avoir osé dire que leur reine mère est un cas suspect de covid 19, diagnostic que je n'ai pas fait seul et malgré les risques que mon personnel et moi-même avons couru car avec un minimum de protection, nous sommes entrés en contact avec cette patiente.
Personnellement, je n'ai pas le sentiment d'avoir commis un quelconque délit. J'ai fait mon travail de médecin et je me suis conformé à la réglementation en vigueur au Cameroun en matière de gestion des cas confirmés ou suspects de covid 19.
J'en appelle simplement aux autorités de la république, afin qu'elles puissent mettre à la disposition du personnel soignant, un minimum de sécurité en permanence pour que des personnes qui jusqu'à ce jour continuent de nier l'existence de cette maladie, n'aient plus la possibilité de tabasser des pauvres médecins que nous sommes et qui donnons le maximum de nous-mêmes pour sauver des vies et parfois, au péril de nos propres vies.
Voilà ce qui s'est réellement passé à l'hôpital CEBEC Bonabéri ces 18 et 19 avril 2020.
Dr Frédérik Landry Eyoum Eboa Médecin chef hôpital CEBEC
BORIS BERTOLT
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