
Les PME et l'agriculture chinoises risquent de devenir les principales victimes économiques de
l'épidémie de Covid-19. Pékin a décidé de recourir aux grands moyens pour venir au secours des petites entreprises, qui sont la clef de voûte de l'économie chinoise.Près de 500 millions d'emplois sont en jeu. Alors que la communauté internationale s'inquiète de l'impact économique du Covid-19 sur la croissance mondiale, l'agriculture et les petites et moyennes entreprises (PME) chinoises, véritable carburant de l'économie nationale, commencent à payer le prix de l'épidémie.
L'indice PMI de la Chine – sorte de baromètre de l'activité du commerce et de l'industrie – a dégringolé depuis janvier, atteignant son plus bas niveau historique dimanche 1er mars. Même à l'époque de la crise financière de 2008, il avait mieux résisté.
Lourd tribut payé par les agriculteurs
Parmi les premiers à avoir subi le contrecoup économique de l'épidémie, outre les professionnels du tourisme, se trouvent les plus de 300 millions d'agriculteurs chinois. "Ils ont perdu une partie de leur récolte, impossible à vendre car elle n'a pas pu être transportée [à cause des restrictions des déplacements, NDLR]", souligne Mary-Françoise Renard, responsable de l'Institut de recherche sur l'économie de la Chine à l'université Clermont-Auvergne, contactée par France 24. Environ 3 millions de tonnes de denrées périssables n'ont pas pu être écoulées. Un manque à gagner "qui a affecté toute la chaîne agricole", précise l'économiste française. Du fermier au marché local en passant par les transporteurs, toute une filière a lourdement pâti des mesures instaurées pour contenir la propagation du Covid-19.
Les dispositions drastiques prises par les autorités pour lutter contre le virus menacent aussi la survie des PME, qui emploient plus de 200 millions de personnes en Chine. Seules 30 % des petites entreprises ont pu reprendre leur activité depuis le début de l'épidémie, qui a déjà coûté la vie à près de 3 000 personnes sur un total de 80 000 individus contaminés en Chine.
"Elles sont beaucoup plus sensibles aux perturbations de la chaîne d'approvisionnement et à la baisse de la consommation", note Mary-Françoise Renard. Un tiers d'entre elles ne peuvent survivre plus d'un mois sur leur trésorerie et avec leur stock, d'après une récente étude de l'université Tsinghua de Pékin.
Artillerie lourde pour sauver les PME
Si elles étaient contraintes de mettre la clef sous la porte, toute l'économie chinoise en pâtirait. Les 30 millions de PME contribuent, en effet, à 60 % du PIB chinois et leurs impôts fournissent près de la moitié des ressources de l'État, d'après les statistiques officielles du gouvernement.
Pas étonnant dans ces conditions que les autorités aient sorti l'artillerie lourde pour sauver les PME. "Ils en sont revenus aux mêmes recettes qu'en 1998 [crise financière asiatique, NDLR], en 2002 [épidémie du Sras] et en 2008", souligne Jean-François Dufour, économiste et directeur du cabinet de conseil DCA Chine Analyse, contacté par France 24. Pékin a, en effet, pris ces derniers jours une série de mesures financières destinées à soutenir leur activité.
Cette fois-ci, le soutien étatique est bien plus ciblé qu'en 2008, lorsque la Banque centrale avait injecté des liquidités tous azimuts dans l'économie. Les banques ont été sommées d'accorder des délais de paiement aux PME pour rembourser leurs emprunts et des fonds spéciaux ont été débloqués pour accorder davantage de prêts aux petites entreprises. Le gouvernement réfléchit aussi à relancer des grands projets d'infrastructures qui pourraient offrir des débouchés aux entreprises en difficultés.
Mais rien ne dit que ces recettes auront le même succès qu'en 2002 ou 2008. Au moment du Sras, l'objectif était de soutenir les entreprises le temps de surmonter la crise sanitaire. Les autorités savaient qu'une fois l'épidémie endiguée, l'activité, très tournée vers l'exportation, pourrait repartir, la demande mondiale n'ayant été que peu affectée par ce coronavirus, resté un phénomène chinois avant tout. Lors de la crise financière, l'argent mis en circulation par la Banque centrale avait permis de donner un coup d'accélérateur à la consommation intérieure pour compenser la baisse de la demande mondiale. Le Covid-19 présente un nouveau défi aux autorités : il entraîne à la fois une baisse de la demande mondiale et aussi de la consommation, qui est devenue, depuis quelques années, le moteur principal de la croissance chinoise.
Le virus de la dette
Les experts interrogés estiment que les mesures prises par Pékin devraient permettre de limiter la casse, même si "des faillites semblent inéluctables", estime Jean-François Dufour.
Cependant, ces initiatives pour parer au plus pressé vont aussi avoir un coût à plus long terme – et c'est peut-être le risque principal pour l'économie chinoise. "Il existe un problème fondamental de fragilité du secteur financier chinois, et les facilités de paiement que les banques vont devoir accorder tout comme l'argent qu'elles vont emprunter à la Banque centrale vont alourdir leur bilan", explique Jean-François Dufour.
"La Chine paie encore aujourd'hui le prix de la générosité de 2008", rappelle le New York Times. Selon Mary-Françoise Renard, Pékin a "déjà fortement assaini le système bancaire ce qui fait qu'il est moins fragile qu'il y a quelques années". En revanche, le Covid-19 risque fort, à ces yeux, de repousser une nouvelle fois des réformes du secteur financier jugé nécessaire pour le rendre plus efficace et compétitif sur la scène internationale.
Ce nouveau coronavirus démontre à quel point la Chine, qui aime mettre en avant ses grands champions économiques comme Huawei et Alibaba et vanter le dynamisme de son secteur tech, est encore très dépendant de l'agriculture et des petites PME.
Par France 24
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