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Fuite de Carlos Ghosn : quatre questions sur les passeports de l'ancien patron de Renault

Carlos Ghosn disposait de quatre passeports, dont deux français. Trois étaient détenus par ses
avocats japonais. Son deuxième passeport français était en sa possession, mais dans un étui fermé par un code secret.
Comment a fait Carlos Ghosn ? Plusieurs jours après son évasion du Japon où il était assigné à résidence dans l'attente de son procès, de nombreuses zones d'ombre demeurent autour de son transit aérien du Japon au Liban, via la Turquie, et notamment des multiples passeports qu'il possède.

1. Combien de passeports détenait-il ?

Né en 1954 au Brésil de parents libanais puis étudiant en France, l'ancien patron de Renault-Nissan est un citoyen brésilien, libanais et français. De droit, il dispose à ce titre de trois passeports. Assigné à résidence à Tokyo avec interdiction de quitter le Japon, Carlos Ghosn a dû remettre ses passeports à ses avocats japonais. Selon l'AFP, ils étaient conservés dans un coffre par son équipe de défense pour l'empêcher de fuir. Cependant, l'AFP et le média japonais NHK ont assuré que Carlos Ghosn détenait un second passeport français, ce qui n'a pas manqué de vous faire réagir dans le live de franceinfo.
En théorie, un citoyen français ne peut utiliser qu'un seul passeport valide : lors de toute demande, il est nécessaire d'apporter son ancien exemplaire aux autorités compétentes "valide ou périmé depuis moins de cinq ans à la date de la demande du renouvellement" (deux ans s'il n'est pas biométrique). Exception faite, bien sûr, en cas de perte ou de vol. Comme l'a précisé le ministère de l'Intérieur en décembre 2018, il est "la propriété de l'Etat français" et sa restitution se justifie "par des raisons de sécurité" telles que l'usurpation d'identité.

2. Dans quels cas peut-on posséder deux passeports français ?

Si votre ancien passeport est toujours valide et comporte un ou plusieurs visas en cours de validité, il est possible de le conserver jusqu'à leur date d'expiration. Les visas s'obtiennent à travers des procédures qui peuvent être longues et parfois coûteuses : l'administration française se veut donc flexible.
Des déplacements professionnels rapprochés nécessitent parfois aussi deux titres d'identité. Un Français devant voyager avec son passeport pour des raisons professionnelles, mais qui serait amené pour un autre déplacement lié à son emploi à devoir le remettre pour plusieurs jours à un consulat pour obtenir un visa, peut demander à en obtenir un second. La demande doit s'accompagner de justificatifs et reste à la discrétion des autorités. Cette procédure concerne, par exemple, les personnels navigants des transports aériens.
Il existe aussi des destinations "incompatibles". Si vous souhaitez vous rendre dans un pays, mais qu'un visa ou un tampon apposé par un autre Etat rend impossible votre entrée sur son territoire pour quelle que raison que ce soit, vous pouvez en demander un second, là aussi selon le bon vouloir de l'administration. Plusieurs Etats refusent par exemple formellement les voyageurs disposant d'un visa ou d'un tampon israélien sur leur passeport.
Il existe enfin d'autres types de passeports qui peuvent être cumulés avec un passeport ordinaire : les passeports de service et de mission, délivrés à des agents civils et militaires de l'Etat se rendant en mission à l'étranger, et les célèbres passeports diplomatiques, délivrés par le ministère des Affaires étrangères à une liste bien précise d'agents de l'Etat ainsi qu'éventuellement à leur conjoint.
Comme pour le passeport ordinaire, le passeport diplomatique n'est censé être utilisé qu'en un seul exemplaire. Pourtant, certaines exceptions existent, comme l'a mis en lumière le cas d'Alexandre Benalla, ancien collaborateur de l'Elysée qui aurait possédé, entre autres, deux passeports diplomatiques. Selon l'ancien ambassadeur de France François Nicoullaud, interrogé par franceinfo, cette pratique est notamment employée par les agents du protocole qui préparent les voyages du président de la République à l'étranger. Ils bénéficient, comme les titulaires d'un passeport ordinaire, d'une exception du fait de déplacements professionnels rapprochés ou d'incompatibilités entre leurs lieux de mission.

3. Comment utilisait-il son deuxième passeport français ?

Dans le cas de Carlos Ghosn, rien n'indique comment sa demande de deuxième passeport a été justifiée auprès des autorités françaises, ni de quand elle date. Selon le média japonais NHK, les avocats de Carlos Ghosn ont demandé en mai dernier à la justice nippone un changement des conditions de sa liberté sous caution. Le tribunal a ensuite autorisé Carlos Ghosn à porter sur lui un deuxième passeport français, l'autre restant dans un coffre avec ses passeports libanais et brésilien.
Selon l'AFP, ce deuxième passeport français était contenu dans une sorte d'étui scellé (sans indication sur sa forme) et dont le code d'ouverture n'était connu que de ses défenseurs japonais. En cas de contrôle, l'avocat de Carlos Ghosn ne pouvait pas se contenter de donner à distance le code au policier : il devait se déplacer. Une pratique qui concerne d'autres personnes libérées sous caution au Japon. Carlos Ghosn ne pouvait donc pas l'utiliser pour quitter l'archipel.
Ce passeport lui permettait ainsi de se déplacer en toute légalité, notamment pour rendre visite à ses avocats. Tout étranger âgé de plus 16 ans présent au Japon doit avoir son passeport en permanence avec lui ou un permis de résidence particulier, selon l'article 23(lien en anglais) de la loi sur le contrôle de l'immigration et la reconnaissance des réfugiés du 4 octobre 1951. Tout contrevenant encourt une amende d'un montant maximal de 100 000 yens, soit environ 830 euros.

4.Avec quels papiers a-t-il fui au Liban ?

Dimanche 29 décembre vers midi (heure locale), la caméra de vidéosurveillance placée près de l'entrée de son domicile tokyoïte filme Carlos Ghosn quittant seul sa résidence, rapporte NHK. Il aurait ensuite décollé à 23h10 à bord d'un jet privé depuis l'aéroport international de Kansai (près d'Osaka), destination Istanbul. Selon NHK, les services d'immigration n'ont pas enregistré le départ de Carlos Ghosn, non autorisé par les autorités japonaises.
Selon Les Echos, l'ancien patron de Renault aurait présenté un passeport falsifié avec une fausse identité. Carlos Ghosn aurait pu tirer parti de la petitesse de l'aéroport et de la relative discrétion accordée aux voyageurs de jets privés disposant d'un espace dédié, comme l'affirment plusieurs sources à Reuters. Il aurait aussi pu se dissimuler sous un déguisement ou au sein d'un groupe. "Je pense que je reconnaîtrais Ghosn si je regardais vraiment, mais nous ne faisons pas vraiment attention au visage des gens", a déclaré à Reuters un employé de la sécurité de l'aéroport au niveau de la porte réservée aux passagers de jets privés.
Arrivé à l'aéroport Atatürk dans la matinée du lundi 30 décembre, Carlos Ghosn aurait aussitôt pris un autre jet privé à destination du Liban sans que son identité n'ait été enregistrée. Une enquête a d'ailleurs été ouverte en Turquie pour connaître les détails de ce transit. De leur côté, les autorités libanaises ont affirmé à l'AFP que Carlos Ghosn était entré légalement dans le pays muni de sa carte d'identité libanaise et d'"un passeport français".
Plusieurs questions demeurent : s'agit-il du passeport français contenu dans l'étui sécurisé qui aurait été forcé ou encore d'un passeport présentant une fausse identité ? A-t-il vraiment été utilisé à la frontière libanaise, puisque Carlos Ghosn disposait d'une carte d'identité libanaise, suffisante pour permettre son entrée sur le territoire ? Et enfin, y a-t-il bien eu des contrôles, puisque comme l'a affirmé un membre de l'entourage de Carlos Ghosn à Reuters, le fugitif aurait été reçu à son arrivée au Liban par le président Michel Aoun, qui l'aurait chaleureusement accueilli au palais de Baabda, sa résidence officielle ?
L'avocat libanais de l'ancien patron de Renault, Carlos Abou Jaoude, s'est abstenu de commentaires sur ce sujet auprès de Maryse Burgot, envoyée spéciale de France Télévisions. Et pas sûr que Carlos Ghosn fournisse davantage de détails sur les conditions de son évasion lors de la conférence de presse prévue aux alentours du 8 janvier.
Par Franceinfo

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