
Problème majeur des démocraties, la corruption des élus trouve en France ses racines dans le
fonctionnement des partis. Elle y est favorisée par le mode électoral, les conditions d’exercice des mandats et l’impunité dont elle bénéficie. Pourtant, la corruption ruine le pays et menace la démocratie. Des solutions existent mais il ne faut pas compter sur le pouvoir actuel pour les mettre en œuvre.MAIS POURQUOI DONC NOS POLITICIENS SONT-ILS SI LARGEMENT CORROMPUS ?
Tous pourris ? Quand bien même elle est excessive, il est trop facile de rejeter cette affirmation en criant au populisme. Il est plus insupportable encore d’affirmer qu’une telle opinion nuit à la démocratie. C’est (entre autres) la corruption, et non sa dénonciation, qui menace la démocratie. La « corruption » dont il est fait état ici ne se limite pas aux actes de corruption active ou passive tels que définis par la loi. Le mot de « corruption » sera aussi utilisé pour désigner toutes les malversations, abus et autres détournements de fonds dont se rendent coupables nos élus. Et force est de constater que la « corruption » ainsi définie gangrène la classe politique des démocraties en général et de la France en particulier. Il est inutile de dresser la liste des élus mis en cause, poursuivis, voire condamnés pour des faits diversement qualifiés mais qui relèvent de facto de la corruption au sens qui est donné ici à ce mot. Ceux qui doutent de l’étendue du mal sont invités à s’informer davantage et le propos de cet article n’est pas de démontrer l’existence du problème qui est évident. Il est d’en comprendre les causes pour encourager une réflexion susceptible d’aboutir à un traitement qui doit être, n’en doutons pas, tant préventif que curatif.
Car si la corruption est un problème majeur en France, en Espagne, en Italie, en Hongrie, en Slovaquie, à Malte, aux USA ou même au Royaume-Uni, elle est plus limitée dans les pays scandinaves ou même peut-être en Allemagne. Il est donc possible, à défaut de l’éradiquer, de contenir cette maladie du système politique représentatif,
Les causes de ce cancer mortel des démocraties doivent être recherchées tout au long du chemin que parcourt un citoyen qui s’engage en politique. La conquête du pouvoir passe par les partis qui fabriquent des arrivistes sans aucune conviction tandis que l’exercice des mandats électoraux favorise les dérapages.
UN PROCESSUS DE CARRIERE AU SEIN DES PARTIS QUI FORME DES ARRIVISTES SANS CONVICTION
Le déroulement d’une « carrière » politique conduit naturellement à perdre toute conviction au profit d’un seul objectif : la conquête du pouvoir.
Les premiers renoncements d’une appartenance partisane :
Quoi de plus naturel que de rejoindre une organisation ou un parti politique pour s’associer à ceux qui partagent la même conception de la société idéale ? Quoi de plus généreux que de mettre son temps et parfois même un peu de son argent au service de ses idées pour améliorer le sort de tous ? Sauf que l’inscription à un parti politique est aussi un premier renoncement. Le jeune ou le moins jeune qui prend sa carte découvre rapidement qu’il n’est pas d’accord avec toutes les positions du parti dont il est devenu membre. La chose est sans doute de peu d’importance pour ceux qui se contentent d’assister à quelques réunions, de coller des affiches en période électorale ou de distribuer des tracts ici ou là. Elle est en revanche essentielle pour ceux qui souhaitent exercer des fonctions électorales au nom de leurs concitoyens. Le parti politique ne supporte pas les électrons libres. Le militant est donc invité à défendre en public toutes les positions du parti, quand bien même il ne les partage pas toutes. Ceux qui ne se plient pas à la règle sont mis sur la touche ou tout simplement exclus. Ceux qui obtempèrent découvrent la duplicité et entament leur ascension.
Le terrible jeu des pouvoirs dans le parti :
Car l’objectif du militant « qui en veut », c’est d’accéder à la candidature. Et la lutte interne au parti est sauvage pour être sur la liste des candidats, fût-ce dans les premiers temps sans aucune chance de succès. Le militant de base qui souhaitait servir son pays ne pense plus qu’à son parti… et à lui-même. Pour être désigné, il doit faire face aux autres appétits. Il doit aussi se frotter aux inévitables protégés de tel ou tel apparatchik qui veut renforcer son influence féodale. Dans les partis les plus démocratiques, il doit convaincre les autres militants qu’il adhère avec passion aux options du parti qu’il ne partage pas toujours. Il devient ainsi maître dans l’art de défendre une idée qui s’oppose aux siennes. Le militant est alors déjà mort mais l’homme politique est né. Et face à ses propres contradictions, il développe un goût bien naturel pour la langue de bois qui permet au fond de ne plus dire les choses.
La nécessité de tuer pour être élu
Cet homme politique comprend bien vite qu’il ne peut gagner seul les sommets. Si la chose ne s’est pas faite plus tôt, il rejoint un clan, un sous-groupe, une chapelle qui ne distingue pas toujours par une option politique particulière (cf. Chirac contre Balladur mais les exemples similaires sont légions) mais dont chacun des membres attend un petit ou un gros fromage en cas de victoire. Dans les partis aux organisations internes les moins démocratiques, cette chasse en meute est la seule façon d’obtenir son carré de viande sous forme d’un siège d’élu. Mais les partis dits populaires n’hésitent pas davantage à truquer les processus de désignation des candidats ou à nommer leurs parachutés (qui parfois n’ont jamais milité).
Le politique, qu’il défende depuis des lustres des idées auxquelles il ne croit plus et dont il a parfois changé lorsqu’il est passé d’une meute à une autre ou qu’il soit propulsé sur un mandat par copinage, ne croit plus en rien d’autre qu’en lui-même et il ne se soucie plus que de son propre avenir sans s’intéresser aucunement à celui du pays (passage de la démonstration qui suscite une pensée particulière pour tous ces socialistes « vraiment à gauche» et tous ces Républicains « fidèles à la droite » qui, comme un seul homme, ont rejoint Macron, parfois sans même y être bien reçu…).
L’appartenance à la meute garantit par ailleurs une vie confortable mais la meute est aussi un espace de combat pour ceux qui veulent la place du chef. Et pour couronner sa formation de chef, celui qui déjà n’a plus aucune conviction doit se résoudre à trahir non seulement ses amis qui sont des concurrents directs mais aussi celui qui l’a adoubé après l’avoir porté sur les fonts baptismaux (je confesse avoir eu envie d’écrire fonds baptismaux tant il est déjà à ce stade question d’argent pour des individus tombés fort bas). Certains pourraient penser à Jacques Chirac qui se présente en 1981 contre le président sortant dont il était le premier ministre et à la défaite duquel il participe, à la vieille amitié entre Chirac et Balladur qui éclatera en 1995 lorsque les deux amis de trente ans voudront tous deux être le candidat de la droite, à l’attitude de Sarkozy à l’égard de son mentor Chirac, à celle de Macron vis à vis de Hollande, président dont la médiocrité ne lui a pas même permis de comprendre une manœuvre que son premier ministre Manuel Valls, que l’on disait prêt à suivre la même démarche, a quant à lui parfaitement évaluée.
Le processus de tri des élus par les structures internes des partis forme donc tout à fait naturellement une cohorte d’individus qui n’ont plus aucune autre conviction que celle de servir leur carrière et qui sont non seulement des experts du mensonge mais aussi des requins capables de tuer (au sens politique bien entendu) les plus dangereux de leurs concurrents : ceux qui, au sein de leur propre camp, leur disputent la place qu’ils guignent. Si certains ne gravissent pas toutes les marches de l’encarté, les amis ou relations d’élus qui pèsent, les énarques propulsés dans les cabinets ministériels, les membres d’une famille qui possède un parti, ces privilégiés qui court-circuitent la trajectoire traditionnelle ont sans doute moins de temps que les autres pour apprendre les règles du jeu mais gageons que ceux qui les choisissent et qui les nomment ont su reconnaître en eux des alter-égos parfaitement capables de servir et surtout de les servir.
Le candidat à l’élection n’a donc le plus souvent plus aucune conviction et sa moralité est fortement émoussée. C’est son mode de pensée qui est corrompu mais le système politique des démocraties représentatives va lui permettre de parachever ce pourrissement souvent bien avancé.
UN FONCTIONNEMENT DES DEMOCRATIES REPRESENTATIVES QUI FAVORISE LES DERIVES DES ELUS
Les modes de conquête puis d’exercice des responsabilités représentatives participent à corrompre des élus déjà triés au sein des partis sur des critères discutables.
Le mensonge érigé en système pour engranger des voix
Quelque soit le niveau de l’élection, le candidat d’un parti doit aspirer un maximum de voix pour être élu. Il s’adresse donc alors au citoyen lambda, celui qui n’appartient pas forcément au parti dont le candidat est membre, voire qu’il dirige. Il s’adresse donc à vous ou moi, qu’il doit convaincre de voter pour lui. La meilleure façon d’attirer des voix est de faire croire à l’électeur que la candidature qui lui est présentée garantit une politique capable de régler les problèmes de ceux qu’il appelle à voter pour lui. La spirale est alors irrésistible qui conduit chaque candidat à promettre à chacun ce qu’il désire entendre et à multiplier les engagements aussi inconciliables qu’irréalistes. Et le politicien-candidat, qui sait parfaitement qu’aucune institution de contrôle ne lui reprochera jamais de n’avoir pas tenu ses engagements, est ainsi parfaitement conscient que ses promesses « n’engagent que ceux qui y croient ». C’est donc entre les candidats la course à l’échalote, la course à celui qui promettra le plus dans le domaine qui incite l’électeur à voter pour lui. Sarkozy se positionna comme le candidat de la sécurité dont il parvint à faire le thème majeur de la présidentielle de 2002. Fort de son joker du « travailler plus pour gagner plus », il emporta l’élection. La sécurité ne fut en rien améliorée pendant son mandat au cours duquel les Français (non milliardaires) s’appauvrirent. Qu’importe ! C’était la faute à la crise. Le comble de la duplicité a sans doute été atteint avec François Hollande, ennemi de la finance qu’il ne cessa de servir pendant les cinq désastreuses années de son mandat. Les inégalités sociales s’aggravèrent pendant ce triste quinquennat mais, bien entendu, la faute fut rejetée sur les frondeurs, eux-mêmes gênés aux entournures pour justifier une politique de droite mais incapables de couper le lien nourricier qui les liait quand même à l’Elysée et au parti que beaucoup considèrent aujourd’hui comme le parti des traîtres. Le summum de l’ambigüité et de la langue de bois fut toutefois explosé par Macron qui se présenta comme « n’étant ni de gauche ni de droite », comme le « révolutionnaire » dont on ne sut jamais s’il avait été socialiste ou non, comme « l’homme nouveau » qui s’exonérait du bilan du quinquennat précédent au cours duquel il n’avait été que secrétaire général de l’Elysée puis ministre des finances, excusez du peu, comme l’homme politique du XXI éme siècle, lui, l’énarque, banquier par pantouflage, en un mot la caricature du technocrate sans état d’âmes d’une cinquième république à bout de souffle. Il éleva la langue de bois au niveau d’un art qui tamisa opportunément ses promesses.
La fréquentation de l’argent et de son confort quand on n’a que le pouvoir
Le politicien moyen ne parvient toutefois jamais à conquérir l’Elysée mais il obtient la consécration en rejoignant l’une des dizaines d’assemblées qui parsèment le pays. Les plus chanceux ou parfois les plus féroces deviennent ministres. Dans tous les cas, l’impétrant découvre le pouvoir et ses ambigüités. Il n’est que de visiter le Sénat ou l’Assemblée Nationale pour comprendre que le politique sait choisir et entretenir à grands frais les lieux dans lesquels il exerce : les bâtiments historiques les plus luxueux. Toutes les régions ont bâti des palais destinés au confort des élus. Lesquels découvrent toutefois que s’ils sont entourés d’un luxe parfois excessif, leurs émoluments ne sont en revanche pas à la hauteur de leur environnement. Et le plus souvent le montant des indemnités qu’ils perçoivent est précisé par des textes qui les assimilent souvent à des hauts fonctionnaires. Cela permet certes de bien vivre mais pas de bâtir une fortune. Or ces politiques justement côtoient les dirigeants des plus grandes entreprises, les héritiers des plus grandes fortunes, les représentants des plus importants groupes financiers. Lesquels vivent dans un luxe inouï. Mais dont les affaires sont toujours tributaires de décisions politiques. C’est un promoteur qui demande au maire un permis de construire, c’est un industriel qui sollicite d’un pouvoir régional ou d’un ministre quelque subvention, c’est une grande entreprise qui suggère que l’on efface une ancienne dette fiscale, c’est un lobby qui entend influer sur un texte de loi en préparation. Le politicien, qui appartient de fait au minuscule pourcentage de ceux qui gagnent le mieux leur vie dans le pays, juge cependant qu’il est dans la misère par rapport à tous ces solliciteurs mille fois plus riches que lui. Les assemblées et les lois ont pourtant tout fait pour que les émoluments officiels ne représentent plus qu’une partie des revenus d’un élu. Voitures et appartements de fonction, frais de réceptions et de déplacements, usage immodéré des moyens de l’Etat ou de la collectivité territoriale, frais de bouche et autres compléments de revenus aux noms les plus obscurs foisonnent et frisent parfois le ridicule ou l’injustifiable. Ainsi, pourquoi un ancien premier ministre dispose-t-il à vie d’une voiture de fonction et de deux chauffeurs ?
Les politiciens ont bien entendu inventé d’autres moyens pour améliorer encore l’ordinaire. Le recrutement des enfants ou des conjoints sur des postes plus ou moins fictifs permit pendant longtemps d’arrondir les fins de mois ou de faire financer par la collectivité les enfants ou leurs études dont le commun des mortels assure la charge. Le cumul des emplois qui est aujourd’hui (un peu) moins libre, fut aussi pendant longtemps une bénédiction pour le mode de vie de nos élus car si les indemnités liées à un mandat ne sont pas cumulables au-delà d’un certain chiffre (plus de 8 000 € quand même pour un parlementaire, hors indemnités de résidence et de fonction de 1 600 €, hors indemnité représentative de frais de mandat de 6 400 € et hors l’allocation pour la rémunération de collaborateurs de 9 000 €, tous ces chiffres étant mensuels), les avantages annexes (transports, voiture de fonction, frais de représentation, logements, etc.) peuvent, eux, s’additionner sans limite.
Mais ces manoeuvres sont de plus en plus mal vues par l’électeur qui souhaite que son maire réside en ville et qui parfois même a l’outrecuidance de croire que la place de son député est au parlement. Les gouvernements sont donc contraints de grignoter tous ces avantages exorbitants. Et puis le cumul ne conduisait quand même pas à la fortune. Alors ? Pourquoi ne pas accepter ici ou là un petit cadeau ? Une boîte de Havanes ? Un repas chez un chef étoilé ? Un costume de bonne marque ? Un séjour au soleil ? Qui n’a pas d’ami susceptible de le nourrir dans les meilleurs restaurants ou de l’habiller chez le meilleur tailleur ? Une petite somme ici ou là ? Et puis une grosse somme quand il faut se loger… et la boucle est bouclée…
Nul n’est besoin d’ailleurs de percevoir des enveloppes en liquide et chacun peut observer que certains politiciens parmi les plus médiocres se recyclent dans la finance qui leur verse des salaires faramineux ou qu’ils donnent des conférences payées des dizaines de milliers d’euros pour un discours d’une heure d’une platitude absolue parfois ahané en un anglais de cuisine. L’idée d’un renvoi d’ascenseur de la part d’un prestataire jadis bien servi ne peut que surgir dans les esprits les plus méchants… Bref, il faut bien conclure qu’il y a beaucoup à faire.
La totale impunité pour ceux qui enfreignent les règles
D’autant que le politicien bénéficie d’une pratique singulière qui se nomme impunité totale. Si les affaires découvertes par les services publics concernés sont peu nombreuses, les élus mis en cause par les médias sont légions. C’est même à se demander ce que font les administrations de contrôle à part enquêter sur les révélations de la presse (merci Médiapart, le Canard et quelques autres). Les éléments de preuve qui paraissent régulièrement dans les médias sont parfois confondants mais il y a relativement peu de suites judiciaires et les condamnations sont rares si elles sont rapportées au nombre de délits. C’est que le ministère public (le procureur pour être plus clair) est en effet sous l’autorité hiérarchique du ministre de la justice qui décide donc de poursuivre… ou non. Pour les affaires fiscales, c’est le ministre du Budget qui décide s’il convient de poursuivre le contrevenant, de négocier une amende ou même de passer l’éponge (c’est le fameux verrou de Bercy qui permet de garantir un traitement de faveur aux copains). La mansuétude de l’Etat pour les politiques véreux ne saurait donc être une surprise. D’autant que même en cas de poursuites, les condamnations sont rares. Ce qui n’est pas une surprise non pour qui se demande qui fait la loi. Si nos députés aboient fréquemment pour exiger une tolérance zéro à l’égard de la délinquance, ils se font plus discrets dans les affaires de détournement de fonds publics ou de corruption qui leur inspirent plutôt des rappels à la présomption d’innocence. Nos élus considèrent même souvent les détournements de fonds dits « sans enrichissement personnel », c'est-à-dire le plus souvent au profit des partis, comme des péchés véniels. Alors que ces partis les nourrissent ! C’est un peu comme si un avocat pouvait détourner des fonds au profit de son propre cabinet ! Enfin, dans les cas les moins défendables, celui de Cahuzac par exemple, qui pouvait quand même difficilement éviter une condamnation, les trois ans de prison ferme du premier jugement sont prestement « aggravés » en appel en quatre années de prison… dont deux avec sursis, ce qui revient à exonérer le délinquant de tout séjour à l’ombre. Ce jugement pourrait être compris par certains comme un signal apaisant : servez-vous et gobergez-vous, Messieurs, la prison n’est jamais pour vous. Et comme la loi est faite par les politiciens, l’inéligibilité est toujours extrêmement limitée. Cahuzac est ainsi inéligible pour cinq années au-delà desquels il pourra à nouveau solliciter les suffrages des électeurs. Rappelons qu’en 2004, la cour d’appel de Versailles a condamné Alain Juppé à 14 mois de prison avec sursis et à un an d'inéligibilité, ce qui n’a semble-t-il pas gêné son retour sur le devant de la scène.
CONCLUSION :
Il va de soi que cette analyse ne concerne pas TOUS les politiques. Les élus des petites communes, en particulier, sont souvent des citoyens de bonne volonté qui se dévouent pour exercer une tâche dont personne ne veut. Et dans les assemblées plus « politisées », un certain nombre d’élus résistent au système qui favorise leur corruption. Mais il est bien peu probable qu’ils soient la majorité.
D’une certaine façon, les partis agissent comme des filtres qui favorisent les moins éthiques de leurs membres quand le système des démocraties représentatives incite l’élu à s’affranchir de toute moralité, voire à se servir sans vergogne.
Mais après tout, pourquoi diable faudrait-il nettoyer les écuries d’Augias ?
D’abord, parce que les politiciens véreux ruinent le pays. Ce ne sont bien entendu pas les sommes qu’ils perçoivent ou détournent qui mettent à mal les finances de la France. Un assainissement des pratiques et une revue des privilèges dont bénéficient les élus ou anciens élus rapporteraient certes bien davantage que le rabotage des allocations logement des étudiants mais il ne faut pas en attendre non plus un rééquilibrage du déficit budgétaire. En revanche, la moralisation du milieu, en faisant disparaître les services rendus par nos politiciens aux grandes entreprises, aux banques et aux milieux financiers, générerait d’immenses économies ou de conséquentes rentrées d’argent. La fin des subventions dévoyées par des industriels qui les captent sans aucune contrepartie, la fin des exonérations fiscales indues, la taxation des multinationales, la lutte contre la fraude, le paiement à son juste prix des biens et services commandés par l’Etat, toutes ces modifications des pratiques actuelles seraient de nature à récupérer des dizaines de milliards d’euros et à renouer avec les excédents budgétaires sans mettre fin à l’Etat social.
Mais au-delà de ruiner le pays, la corruption menace aussi la démocratie. Le rejet dont la classe politique est l’objet, le dégoût qu’inspirent les politiciens, détournent en effet l’électeur des urnes, ce qui se traduit par une chute drastique de la participation aux consultations électorales. Rappelons que l’assemblée nationale actuelle ne représente que 40 % des inscrits car trois Français sur cinq ont préféré voter nul, blanc ou pas du tout aux dernières législatives. Cette désaffection des citoyens affecte évidemment la légitimité des assemblées représentatives et peut à terme tuer la démocratie.
Il est donc urgent de mettre en œuvre des mesures drastiques pour restaurer la République. Il est clair qu’il faut en tout premier lieu mettre fin à l’impunité dont jouissent les élus délinquants et adopter les règles les plus sévères des pays scandinaves. Mais en ce domaine comme dans les autres, la solution ne saurait être exclusivement répressive.
Plusieurs députés (dont Julien Dray, Hervé Mariton…) ont récemment suggéré d’augmenter l’indemnité de base des députés en en proposant le quasi doublement (de 5 500 € à 9 5000 ou 10 000) afin que les élus puissent résister aux tentations. Soyons sérieux ! Ceux qui considèrent qu’ils ne gagnent presque rien ne sauraient se contenter du double. D’ailleurs, deux fois rien ne font pas grand chose. Ne conviendrait-il pas plutôt de choisir des hommes honnêtes ?
Les solutions sont diverses et doivent être multiples. Certaines sont connues et d’autres à inventer. Il faudrait bien entendu agir tant sur la trajectoire de ceux qui se destinent à occuper un siège que sur la modification des conditions d’exercice des mandats. De bonnes idées circulent dont il faudrait s’inspirer : réorganiser la vie politique pour que la démocratie soit d’abord respectée au sein des partis, ce qui ne ferait pas forcément ressortir les mêmes candidats, contrôler rigoureusement les dépenses remboursées aux élus, réduire le nombre des mandats (à un seul, pourquoi pas ?) voire tirer au sort les élus de l’une des deux assemblées parlementaires (ce qui assurerait la représentativité de cette assemblée). Il faudrait aussi et surtout mettre fin au système monarchiste français où un homme seul à tous les pouvoirs à l’Elysée et où nombre de ceux qu’il nomme exercent eux même un pouvoir sans contrôle sur les domaines qu’ils coiffent (verrou de Bercy par exemple). Le pouvoir doit être exercé dans la collégialité car aucun homme n’a les capacités de l’exercer seul.
Mais la corruption a encore de beaux jours devant elle et ce n’est pas le pouvoir macronien qui s’y attaquera. Au niveau des partis, les statuts de la république en marche y verrouillent totalement le pouvoir au profit de quelques-uns et ils ne sont pas sans rappeler l’organisation interne des partis communistes les plus staliniens. Il n’en sortira donc que des candidats choisis par Jupiter. Quant à l’exercice des mandats, il n’est que de voir la timidité de la future limitation des mandats qui ne rentrera pas en vigueur avant la fin des années 2030 sans empêcher quiconque de passer sa vie entière à aller tous les quinze ans du sénat à l’assemblée ou vice-versa, toute fonction ministérielle remettant le compteur à zéro, pour comprendre que rien ne sera fait pour assainir la situation. Qui s’en étonnerait d’ailleurs de la part d’un pouvoir qui est au service du monde des affaires et de la finance. Car s’il est un lobby qui n’a aucun intérêt à lutter contre la corruption, c’est bien celui de ceux qui prospèrent beaucoup en corrompant largement. Et ce lobby est naturellement bien puissant dans le monde des affaires et de la finance.
Source: mediapart.fr
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