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Après 7 ans de galère et le sauvetage d’un enfant, Mamoudou Gassama naturalisé français

Mamoudou Gassama après une rencontre avec Emmanuel Macron au palais de l’Elysée, à Paris, le 28 mai 2018.
En mai, le « Spider-Man malien » avait acquis une notoriété inattendue en escaladant un immeuble
parisien pour secourir un garçon de 4 ans.

Le voilà Français. Mamoudou Gassama, 22 ans, vient de voir la concrétisation de la promesse d’Emmanuel Macron. Dans le salon d’honneur de la préfecture de Seine-Saint-Denis, le « Spider-Man malien » a reçu son décret de naturalisation. Inconnu avant le 26 mai, le migrant a acquis ce jour-là une notoriété aussi brusque qu’inattendue en escaladant la façade d’un immeuble parisien pour épargner une chute de quatre étages à un enfant de 4 ans agrippé à un balcon. Vue des millions de fois sur Internet, la vidéo de son exploit lui a valu d’être reçu à l’Elysée quelques jours plus tard et de se voir promettre une naturalisation.

C’est chose faite depuis mardi 6 novembre. Comme environ 50 000 personnes chaque année en France, 60 habitants du département de la Seine-Saint-Denis ont reçu ce matin-là leur carte d’entrée dans la « communauté nationale ». Parmi eux, le jeune homme se détache malgré lui. D’ailleurs, le préfet Pierre-André Durand glisse dans son discours un mot sur ceux qui, à son image, obtiennent la nationalité française parce qu’ils ont réalisé quelque chose d’« exceptionnel ». Même l’ambassadeur du Mali, Toumani Djimé Diallo, a fait le déplacement, rappelant que « Mamoudou Gassama est un réel ambassadeur » de son pays d’origine. « Il a fait ce que tous les Maliens qui se respectent auraient fait : sauver quelqu’un au péril de sa vie. »
Poli, discret, presque effacé, Mamoudou Gassama se prête à ce qui est devenu un exercice presque quotidien pour lui depuis cinq mois : le selfie. « Il est très réservé et je pense que c’est à cause de son parcours », croit savoir Djeneba Keita, deuxième adjointe à la mairie de Montreuil, où vit Mamoudou Gassama, qui le dit aussi « reconnaissant de tout ce qui est fait autour de lui ». Mme Keita accompagne le jeune Franco-Malien dans ses démarches administratives et le conseille pour sa communication ; rôle qu’elle partage avec le frère aîné du jeune homme, Diaby Gassama, et avec Mams Yaffa, une figure de la diaspora malienne à Paris.

Parti sans prévenir sa famille

« C’est encore un bébé », justifie son frère aîné… Un « bébé » qui a quitté son village du nord-ouest du Mali, Yaguiné Banda, à l’âge de 15 ans. « Je n’étais pas bien costaud, se souvient-il. Les jeunes de ma génération et moi, nous étions tous dans la même galère et on partait tous, un à un. Il ne restait plus beaucoup de garçons de mon âge au village. Ma famille m’a adressé des bénédictions quand j’ai pris la décision de partir », d’abord en Côte d’Ivoire.
Mamoudou Gassama est issu d’une fratrie de neuf enfants, ses parents sont agriculteurs. A l’époque, seul l’aîné, Diaby, est installé à l’étranger, en France, où il travaille comme laveur de vitres. Mamoudou devient manutentionnaire à Bamako afin d’économiser l’argent nécessaire à son voyage. Puis, en Côte d’Ivoire, il est bagagiste dans une gare routière. « Je m’occupais de charger et décharger des livraisons qui venaient de toute la région, raconte-t-il. C’était un travail harassant. J’y suis resté trois ans. J’ai quitté le pays en 2011, au moment de la guerre civile. Beaucoup de gens fuyaient. Il n’y avait plus de travail, je suis donc retourné au Mali. »
Quelques mois après son retour, sa mère décède. Mamoudou Gassama décide alors de partir pour l’Europe, sans prévenir sa famille. En quelques jours, il traverse le Burkina Faso et le Niger pour gagner la Libye. À l’époque, déjà, « de nombreuses personnes fonçaient en Libye car c’était une voie d’accès à l’Europe », se souvient le jeune homme. Pour lui, ce pays restera « un épisode sombre » dans son parcours.

« Des gens mouraient devant moi »

Il y arrive les poches vides et, pour réunir les 800 euros nécessaires à la traversée de la Méditerranée, il trouve du travail dans la ville de Sabratha, notamment sur des chantiers. Il vit là-bas six mois, dans un foyer, avec d’autres migrants africains. « On ne dormait pas tranquillement parce qu’on pouvait être attaqué par des bandits ou racketté par la police », rapporte-t-il. Il tente une première fois de prendre la mer à bord d’une embarcation de fortune, mais l’expédition est arrêtée au bout de trois heures de navigation par les gardes-côtes libyens. Mamoudou Gassama se retrouve en prison.
Dans sa geôle, il ne voit pas la lumière du jour et reçoit du pain, des sardines et du fromage en guise de repas unique. « J’y ai beaucoup souffert, reconnaît-il. Certains mouraient devant moi, de fatigue, de faim ou après avoir été battus par les geôliers. » Des détenus entreprennent de saboter la porte de la cellule et, chaque soir, creusent le sol autour. « Un soir, on a dévissé la porte et on est tous partis en courant, c’était chacun pour sa peau, se remémore Mamoudou Gassama. Les gardiens tiraient à vue. » Le jeune homme échappe aux balles et parvient à trouver refuge dans une « mazra », une petite exploitation agricole.
Il retente une traversée deux mois plus tard. Cette fois, son embarcation est secourue par un navire de la Croix rouge, et il est débarqué en Sicile en mars 2014. Il obtient l’asile en Italie au bout de deux ans. « J’ai rejoint un foyer pour réfugiés, explique-t-il. Je n’avais pas le sou, je me nourrissais grâce aux soupes populaires. » A Rome, le jeune homme ne trouve pas de travail. Lassé de galérer, il décide de quitter le pays. Son frère lui paye un billet d’avion pour Paris en septembre 2017.

Service civique de dix mois

Installé au foyer de travailleurs migrants Rochebrune, à Montreuil, Mamoudou Gassama se refait une santé et renoue le contact avec des gens de son village. Le jour où il a secouru le garçon de 4 ans, il se préparait à assister à la finale de la Ligue des champions dans un fast-food du XVIIIe arrondissement avec des amis.
Depuis, le nouveau « Spider-Man » a été reçu à l’Elysée, récompensé d’un trophée par la chaîne afro-américaine BET, à Los Angeles, ainsi que par la fondation onusienne Global Hope Coalition, à New York. Il a aussi été invité par Marcelo, un joueur du Real Madrid, à assister à un match de football entre l’Autriche et le Brésil, en juin à Vienne, ainsi qu’à la demi-finale de la Coupe du monde Angleterre-Croatie en Russie. La mairie de Montreuil lui a octroyé un logement.
Tout a changé. Mais rien n’a changé. L’avenir du jeune Franco-Malien est encore flou. Il suit des cours de français et devrait entamer en janvier un service civique de dix mois au sein de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris. La carrière que lui a indiquée Emmanuel Macron n’est pas nécessairement celle qu’il épousera en définitive. Le Montreuillois souhaite venir en aide aux habitants de son village, aux Africains qui risquent leur vie pour rejoindre l’Europe, voire aux jeunes en mal d’avenir en France.
« Il faut qu’il se construise un projet précis, conclut Mams Yaffa. Ensuite on pourra se permettre d’aller voir les présidents français ou malien pour être soutenu. »
LE MONDE

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