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Attentat à Tunis : les politiques entre règlements de compte et appels à l’unité nationale

Les réactions politiques se multiplient après l'attentat suicide qui a frappé, lundi 29 octobre aux
alentours de 13h50, l'avenue Bourguiba, en plein cœur de Tunis. Le bilan officiel fait état de 20 blessés - dont 15 policiers et deux enfants.
Depuis la révélation sur les réseaux sociaux de la photo et de l’identité de la femme kamikaze – une certaine Mouna G., originaire de Mahdia – , chacun y va de ses supputations sur les commanditaires de cet attentat qui a plongé le pays et la classe politique dans la stupeur. Plusieurs heures après l’explosion, les Tunisiens attendaient des prises de position et des explications officielles.
C’est un choc, parce que nous pensions avoir vaincu le terrorisme dans les villes
« C’est un choc, parce que nous pensions avoir vaincu le terrorisme (…) Nous pensions l’avoir vaincu dans les villes et qu’il n’était plus présent que dans les montagnes », a déclaré Beji Caïd Essebsi. Le chef de l’État s’exprimait à sa descente d’avion à Berlin, où il participe à la conférence « Compact with Africa » sur le partenariat du G20 avec le continent. « J’espère que le terrorisme ne nous vaincra pas », a-t-il ajouté.

Défaillances sécuritaires ?

Les faits se sont produits à la suite d’une manifestation sur l’avenue Habib Bourguiba, où les forces de sécurité étaient mobilisées pour l’occasion. Après l’attaque, même si un imposant dispositif a été déployé de part et d’autre de la chaussée, les critiques fusaient déjà dans les rues adjacentes. « L’organisation sécuritaire laissait à désirer. L’attente m’a paru interminable avant que la zone ne soit évacuée », raconte Aïcha, qui déjeunait en face du lieu de l’explosion, toujours choquée d’avoir vu le corps de la kamikaze étalé sur le sol.

Le ministre de l’Intérieur, Hichem Fourati (sans étiquette), en poste depuis le 30 juillet dernier, était auditionné à l’Assemblée des représentants du peuple – où il répondait aux questions des députés sur la gestion de son département – au moment où la jeune Mouna G. a activé sa ceinture explosive. Certains députés se sont interrogés sur le fait que cet attentat a pu se produire à quelques mètres du ministère de l’Intérieur. Mis en cause, le ministre s’est exprimé un peu plus tard sur la chaîne Elhiwar Ettounsi, restant toutefois très factuel.
Voilà le résultat quand Ennahdha occupe de nouveau les directions du ministère de l’Intérieur
« Voilà le résultat quand Ennahdha occupe de nouveau les directions du ministère de l’Intérieur », lance Mondher Belhaj Ali, député indépendant, en référence aux récents mouvements et nominations au sein du ministère. Il pointe notamment du doigt le limogeage de 30 cadres sécuritaires et directeurs de la Garde nationale après l’attentat de Ghardimaou, qui avait tué six membres de cette unité, en juillet 2018.

Ennahdha dénonce « l’ancien régime »

Des accusations dont Ennahdha se défend. «  Nous condamnons sans réserve et sans hésitation cet attentat, assure Larbi Guesmi, membre du conseil de la Choura et de son comité politique. Ce ne sont pas nos choix ni nos manières. Ceux qui ont fait ça sont des gens sans cœur, sans patriotisme, des irresponsables ! », s’exclame ce cadre d’Ennahdha. Excluant la piste salafiste – « sauf s’ils sont manipulés » – , il se demande qui a intérêt à un tel acte terroriste.
Larbi Guesmi pointe plutôt « des membres de l’ancien régime qui refusent de s’intégrer honnêtement dans le jeu politique, refusant la transition démocratique ».  Il les soupçonne de vouloir alimenter des conflits entre l’armée, le ministère de l’Intérieur et le parti de la colombe.
C’est la même politique que sous Ben Ali. On nous considère sous l’angle sécuritaire et non pas politique
Prompte à réagir, la formation à référentiel islamique (dont les activités politiques et de prédication ont été séparées en 2016) a condamné l’attentat, et appelé à l’unité nationale. « Le terrorisme n’a pas d’avenir en Tunisie », souligne son communiqué.
Le parti, souvent pointé du doigt lors de précédentes attaques, a récemment été mis en cause par le Front populaire, dans le cadre de nouvelles révélations du Comité pour la vérité sur les assassinats en 2016 de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi. Des accusations qu’il dément. « C’est la même politique que sous Ben Ali. On nous considère sous l’angle sécuritaire et non pas politique », regrette Larbi Guesmi.

Les responsables politiques pas à la hauteur ?

Abdellatif el-Mekki, autre dirigeant d’Ennahdha, s’interroge de son côté sur la coïncidence entre cet attentat et les troubles politiques que connaît actuellement le pays. Dans le même ordre d’idée, Noureddine Taboubi, Secrétaire général du syndicat UGTT, dénonce les tiraillements partisans qui donnent des opportunités aux terroristes.
Nous sommes tous occupés à parler d’un tel ou d’un tel, de qui va rester et qui va partir, de tel ou tel autre parti
Le président Essebsi l’a lui même reconnu : « L’atmosphère politique est mauvaise. Nous sommes tous occupés à parler d’un tel ou d’un tel, de qui va rester et qui va partir, de tel ou tel autre parti, mais ce ne sont pas ça les vrais problèmes de la Tunisie. C’est ce que nous rappelle un événement comme celui-ci », a-t-il déclaré.
Après le choc, plusieurs responsables politiques appellent à l’unité nationale. Mohamed Abbou, Secrétaire général du Courant démocratique, affirme qu’il n’est pas question que les différends se règlent dans le sang. « Il faut activer l’union nationale pour lutter contre le terrorisme. Les responsabilités seront déterminées plus tard. La Tunisie est ciblée comme toutes les nations libres », a-t-il affirmé à Jeune Afrique.
Par et - à Tunis  


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