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RDC : l’ONU pointe « l’absence d’un plan de financement clair » du processus électoral par Kinshasa

Dans un rapport rendu public lundi, l'ONU fait un point très critique sur l'avancée du processus
électoral mené par la Ceni en RDC, sur financements du gouvernement congolais.
À sept mois des élections prévues en République démocratique du Congo, de nombreux obstacles menacent le bon déroulement du processus électoral. C’est en tout cas ce que constate l’ONU dans un rapport détaillé remis fin avril au conseil de sécurité des Nations unies et rendu public lundi 7 mai. Dans cet exposé, le secrétaire général Antonio Guterres met les choses à plat, exhortant « le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour instaurer la confiance dans le processus électoral et préparer la voie à une passation de pouvoir démocratique ».
Ces élections, présidentielle, législatives et provinciales, sont très attendues par la communauté internationale. Prévues le 23 décembre, elles devraient permettre la première transition démocratique du pouvoir observée depuis 1960 dans ce pays où l’actuel président Joseph Kabila a conservé son poste malgré l’expiration de son mandat en décembre 2016.
Au premier rang des failles à colmater, le secrétaire général évoque « l’absence d’un plan de financement clair de la Commission électorale nationale indépendante » (Ceni) par le gouvernement. « L’un des principaux problèmes », tempête Antonio Guterres. « Tout retard de financement pourrait retarder la tenue des élections et conduire à l’apparition de nouvelles tensions politiques », avertit-il. Kinshasa a annoncé qu’elle financerait les élections de sa propre poche, indiquant vouloir se prémunir contre toute ingérence étrangère.
Les décaissements actuels du gouvernement se situeraient à quelque 52 millions USD au lieu des 120 millions attendus à la même date
Selon une source diplomatique, ce financement doit être en 2018 de l’ordre de 60 millions de dollars par mois jusqu’aux élections. Fin mars, à peine plus du tiers de cette somme, 22,6 millions de dollars, avait été versée par le Ministère des finances à la Ceni, pointe le rapport, qui dénote une incertitude quant aux prochains versements. « Le gouvernement n’a pas forcément respecté les échéances », commente cette même source diplomatique. Selon la plateforme Agir pour les élections transparentes et apaisées (AETA), les décaissements actuels se situeraient à quelque 52 millions USD au lieu des 120 millions attendus à la même date.

Gagner du temps pour rester au pouvoir plus longtemps ?

Le financement, élément-clé du bon déroulement des élections, est ainsi un sujet de tensions entre la RDC et ses partenaires internationaux, dans un contexte où les membres de l’opposition congolaise redoutent que le président ne veuille gagner du temps pour rester au pouvoir plus longtemps.
Les tensions se cristallisent ainsi notamment autour de l’achat des controversées « machines à voter », appareils privilégiés par le gouvernement au détriment des classiques bulletins qui doivent arriver de Corée du Sud – même si l’affaire paraît très mal engagée. « Au moment de l’établissement du présent exposé, la Monusco (dont le mandat a été renouvelé en mars, NDLR) n’avait pas reçu de demande officielle de soutien concernant l’installation des machines à voter de la part de la Ceni », est-il expliqué dans le rapport. Or, « d’après le calendrier électoral de la Commission, l’achat des machines à voter et du matériel électoral aurait dû être achevé le 16 avril 2018 ».
Aujourd’hui, la question du financement est un point à suivre mais il n’est pas critique, assure la Monusco
Le 10 mai, la Monusco ne disposait pas de nouvelles informations à ce sujet. « On se tient prêts, mais nous n’avons pour l’instant pas d’information quant à l’aide que le gouvernement souhaiterait solliciter de notre part », indique Florence Marchal, la porte-parole de la Monusco. La mission onusienne se prépare notamment à l’éventualité d’un acheminement de matériel dans 15 grandes villes et 129 sites. « Nous n’avons pas de problème avec le fait que le gouvernement veuille assurer intégralement le financement des élections, mais il faut qu’il puisse permettre à la Ceni d’avoir les moyens de faire son travail, notamment de payer le transport du matériel dans ce pays où la nature du terrain et la grandeur du territoire impliquent de gros budgets », assure Florence Marchal, sans alarmisme. « Aujourd’hui, la question du financement est un point à suivre mais il n’est pas critique. »
Le rapport s’attarde également sur la méfiance des autorités congolaises à l’égard de certains acteurs internationaux. Un « problème » auquel « il faut s’attaquer », estime le patron de l’ONU, pour éviter que l’attitude de Kinshasa ne conduise au sacrifice de précieuses ressources financières indispensables au bon déroulement du scrutin.
Ainsi, un plan de financement du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement) de 67 millions de dollars destiné à la RDC n’a toujours pas été débloqué en l’absence d’accord de Kinshasa – une somme dont la Ceni pourrait pourtant difficilement se passer, assure Antonio Guterres. « Le projet n’a pas encore été signé car le gouvernement désapprouve la manière dont ces fonds sont alloués », explique encore notre source diplomatique. « Une grande partie de cette somme est destinée à des organisations qui défendent les droits civiques, or les autorités estiment que ces sujets ne sont pas prioritaires. C’est une vraie pomme de discorde. Le gouvernement défend ses prérogatives souveraines très jalousement. »

« Manque d’espace politique »

Au milieu de ces frictions au niveau international, l’opposition au pouvoir en place peine à se faire entendre, déplore encore le chef de l’ONU, qui fait état d’un « manque d’espace politique » dans ce pays où les manifestations publiques sont interdites depuis septembre 2016. Une interdiction qu’Antonio Guterres souhaite voir levée. « Les divergences qui subsistent entre les différents acteurs politiques concernant le processus électoral et l’absence d’espace politique continuent de menacer la tenue d’élections crédibles et ouvertes à tous », argue-t-il.
L’espoir semble toutefois permis. Le 24 avril dernier, un rassemblement autorisé de l’UDPS, principal parti d’opposition mené par Félix Tshisekedi, a eu lieu à Kinshasa. « Il s’agit d’une ouverture, c’est positif. Attendons maintenant de voir si l’opposition sera libre de mener ses activités », indique-t-on encore de source diplomatique. Alors que l’un des opposants, Moïse Katumbi, visé par plusieurs accusations, vit en exil, au moins 86 prisonniers politiques restent détenus dans les geôles congolaises, rappelle le rapport.
Contactée par Jeune Afrique, la mission de la RDC à l’ONU n’a pas donné suite à une demande d’interview.

Marketing Politique

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