Sur RFI, Moftah Missouri, l'ancien interprète personnel de Mouammar Kadhafi, affirme que ce dernier a contribué à la campagne électorale de Sarkozy. Cet homme est l'un des témoins-clés du dossier de présumé financement libyen de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.
L’interprète officiel de Mouammar Kadhafi l’affirme sur notre antenne : le Guide libyen a bien financé la campagne de Nicolas Sarkozy à hauteur de vingt millions de dollars.
Moftah Missouri explique que la première rencontre entre les deux hommes à eu lieu en 2005. Sarkozy, ministre de l’Intérieur, y fait part de son intention de se présenter à l’élection présidentielle, deux ans plus tard. « Je l'ai vu pendant une quarantaine de minutes. C'était à Tripoli, il était venu en tant que ministre de l'Intérieur, et c'est à ce moment-là qu'il a dit "je veux peut-être me présenter aux élections présidentielles". Le guide lui a répondu "c'est très bien, on va vous encourager." Mouammar Kadhafi ajouté que c’est une bonne chose que "d’avoir un frère, un ami, à la tête de la France" ».
La question d’argent viendra plus tard, explique l’interprète. Lors d’une rencontre fin 2006, un document officiel libyen atteste d'un accord de financement de 50 millions d'euros : c'est la fameuse note signée par Moussa Koussan, le chef des renseignements exterieurs libyens. Le même document publié cinq ans plus tard par le site d’information Mediapart.
Ce document est taxé de faux par la défense de Nicolas Sarkozy. Mais pour Moftah Missouri, il est authentique. Il affirme l’avoir vu sur le bureau du Guide libyen, en janvier 2007. Selon lui, Kadhafi a coupé la somme en deux et au final a donné vingt millions de dollars. Bien que tout se soit fait en liquide, une preuve existe affirme Moftah Missouri : un récépissé qui se trouvait aux mains du chef comptable (aujourd'hui emprisonné à Zaouïa sous la surveillance d'une milice). « Il y a tout simplement un petit récépissé qui se trouve actuellement chez le chef comptable, actuellement prisonnier à Zaouïa. Mais je ne sais pas où ce bout de papier se trouve. »
Alors, si cette preuve existe, pourquoi Kadhafi ne l'a pas produite en temps utile ? Parce que toutes les archives ont été dispersées quelques jours avant le bombardement de la forteresse de Kadhafi, en juillet 2011, affirme l'interprète.
« La déclaration fracassante » du Guide libyen à Delphine Minoui
Une autre personne a entendu directement Mouammar Kadhafi évoquer son soutien à la campagne de Nicolas Sarkozy. Il s’agit de la journaliste française Delphine Minoui, du Figaro. Elle a rencontré Kadhafi le 16 mars 2011 à Tripoli, quelques jours seulement avant les premières frappes aériennes contre la Libye.
Elle raconte cette interview et la déclaration fracassante du Guide libyen quand elle l’interroge sur la reconnaissance de la France du Conseil national de transition, l’opposition alors basée à Benghazi dans l’est du pays.
« Il commence à me dire que son cher ami Nicolas Sarkozy est atteint d'un trouble mental, se souvient Delphine Minoui. Il me dit qu'il est "déçu par le président français", d'autant plus qu'il a "financé sa campagne électorale". Je rebondis par rapport à cette déclaration à ce moment-là fracassante, en lui demandant des détails, et là il me répond par des commentaires assez vagues. Il m'explique qu'à l'époque de la campagne électorale, Sarkozy lui avait rendu visite, dans cette même caserne, et qu'à ce moment-là, Sarkozy lui aurait demandé de l'aider et que Kadhafi aurait toit de suite accepté, puisqu'il précise, et je le cite à nouveau, il n'a pas hésité puisqu'il y voyait un gain pour la Libye. Il précise : "j'ai donné ce qu'on m'avait demandé." En revanche, il est incapable d'évoquer un montant précis. Il m'explique juste qu'il a donné des ordres au comptable, et que le comptable a fait le nécessaire. Après la mort de Kadhafi, je tente par un courriel de renouer le lien avec Moftah Missouri. Il m'envoie son numéro de téléphone, je l'appelle, et nous relançons la conversation sur cet entretien. Et là, Moftah Missouri me précise que le lendemain de l'interview, Kadhafi lui aurait précisé qu'il avait contribué à la campagne de Sarkozy à hauteur de vingt millions d'euros... »
Et c'est là que Kadhafi se redresse dans son fauteuil, il bombe le torse...
Le témoignage complet de Delphine Minoui, journaliste au «Figaro»
La disparition progressive de témoins-clés
Le nombre de témoins-clés libyens qui ont disparu, de mort suspecte, ou bien sont en prison en Libye, ou encore à l'hôpital, est frappant.
En tête de ces témoins-clés aurait dû figurer l'ancien dictateur libyen lui-même. Mouammar Kadhafi avait affirmé à plusieurs reprises, à la télévision et à son entourage, avoir financé la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Il a été tué en octobre 2011. Les Kadhafistes accusent les services secrets français de l'avoir achevé.
Mort aussi, l'ancien ministre du Pétrole libyen, Choukri Ghanem. Il a été retrouvé noyé dans le Danube en 2012. Les juges ont toutefois obtenu son carnet dans lequel il mentionne trois paiements destinés au candidat Sarkozy en 2007 pour au moins 6,5 millions d'euros.
La justice française est en train de statuer sur le dossier Sarkozy, mais ce que nous demandons nous, c'est de le juger pour les crimes qu'il a commis en Libye. Il a détruit notre pays en menant 40 000 frappes aériennes. Son intervention a entrainé l'extrémisme, l'insécurité et la migration clandestine dans notre pays.
Ahmad Kadhafi, cousin de Mouammar Kadhafi et haut dignaitaire libyen
Saïf al-Islam, le fils du colonel Kadhafi, est lui bien vivant, mais se cache. Il dit qu'il était présent lors de la première remise d'argent. Il réclame à la justice française de l'entendre en tant que témoin direct. Le 11 mars 2011, il demande à Nicolas Sarkozy, dans une interview à Euronews, de rendre le financement libyen.
Autre témoin direct potentiel, Béchir Saleh, le grand argentier et chef de cabinet de Mouammar Kadhafi. Blessé par balles fin février dernier à Johannesburg, il est hospitalisé dans un lieu gardé secret pour des raisons de sécurité. Il n'a jamais rien livré, ni aux juges qui l'ont interrogé, ni aux médias.
Dans les prisons à Tripoli, il y a deux autres témoins. L'ancien Premier ministre Al-Baghdadi al-Mahmoudi et le chef des services des renseignements, Abdallah al-Senoussi. Ce dernier assure posséder un enregistrement sonore de Nicolas Sarkozy, évoquant un soutien financier, lors de sa première visite en Libye en septembre 2005.
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