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Les méthodes du milliardaire Jorge Lemann, le plus secret de la planète

Moins médiatique que la plupart de ses pairs, le Brésilien Jorge Lemann domine des pans entiers de l'alimentation américaine (Heinz, Budweiser, Burger King, etc.). Il est impitoyable lorsqu'il s'agit de réduire les coûts.



Il a passé sa jeunesse à surfer sur les plages de Leblon, le quartier huppé qui ferme la baie de Rio. Il montre aussi un certain talent au tennis : sacré cinq fois champion du Brésil, il a joué le tournoi de Wimbledon et deux Coupes Davis. Cela aurait pu être l'accomplissement d'une vie. Mais, pour Jorge Lemann, ce fut un drame : ces tournois l'ont convaincu qu'il ne s'imposerait jamais parmi les dix meilleurs mondiaux. L'homme a donc mis sa raquette au placard et s'est rabattu sur les affaires.

La reconversion lui a plutôt réussi. Et personne ne doute qu'il se range, cette fois-ci, parmi les meilleurs. Jorge Lemann a beau être inconnu du grand public, il suscite une sorte de dévotion dans le cercle des milliardaires. « C'est le meilleur », estime Bill Ackman, un investisseur de Wall Street qui cède pourtant rarement à la flagornerie. « Jorge Lemann est un grand maître », affirme Warren Buffett, qui tente de faire autant d'affaires qu'il le peut avec lui. Sa notoriété reste très inférieure à celle de ses pairs : il a beau figurer parmi les trente plus riches du monde, il demeure certainement le milliardaire le plus secret de la planète. Ni lui ni son entourage n'ont souhaité répondre à nos questions. A soixante-quinze ans, il nourrit toujours la même haine des journalistes et exhorte ses collaborateurs à ne jamais prononcer son nom en public. Les marques qu'il détient parlent pour lui : des bières Budweiser à la chaîne de fast-foods Burger King, en passant par les ketchups Heinz et les cafés Maxwell, il domine des pans entiers de l'alimentation américaine. Son fonds 3G, qui ne dit rien à personne, est en passe de s'imposer comme l'un des conglomérats les plus puissants d'Amérique. Le tennis n'est jamais très loin : Roger Federer est, paraît-il, l'un de ses principaux actionnaires…

Mais revenons aux années 1960 : c'est à cette époque que Jorge Lemann délaisse la terre battue pour rejoindre les bancs de Harvard. « Mon niveau de tennis a beaucoup joué dans l'acceptation de mon dossier », ­confiait-il récemment à la promotion 2013. Le jeune homme ne brille pas spécialement par son sérieux. Au bout d'un an, il manque même de se faire renvoyer pour avoir déclenché un feu d'artifice sur le campus. « L'école m'a suggéré de prendre une année sabbatique pour mûrir un peu. » Mais plutôt qu'allonger sa scolarité, Jorge Lemann décide de la raccourcir : il concentre ses cours au maximum pour obtenir son diplôme en deux ans, plutôt que trois.

Adieu Boston, retour à Rio. Le jeune homme renoue avec les joies du surf, mais ne sait toujours pas quoi faire de sa vie. Il joue les stagiaires chez Credit Suisse, avant de s'essayer quelques mois au journalisme - un comble pour qui fuira la presse le restant de sa vie. Il faudra attendre dix ans pour que Jorge Lemann trouve enfin sa voie. A trente et un ans, il rachète Garantia, un bureau de courtage miteux du centre-ville. Au lieu de débaucher des banquiers confirmés, il recrute de jeunes Brésiliens pauvres, prêts à tout pour réussir. Il les appelle les « PSD » - « poor and smart with a deep desire to get rich » [pauvre et intelligent, avec un profond désir de devenir riche, NDLR].

En dix ans, il construira une banque de premier plan, réalisant jusqu'à 1 milliard de profits annuels. La « Goldman Sachs » du Brésil, comme la surnomme la presse nationale. Jorge Lemann a effectivement cloné la star de Wall Street : il récompense les meilleurs en imposant des salaires fixes plus bas que la moyenne et des bonus pouvant représenter plusieurs fois le salaire annuel. Il ouvre le capital aux plus méritants. Parmi eux figurent Carlos Sicupira et Marcel Telles, deux garçons devenus ses frères, qui l'ont accompagné dans la création du fonds 3G, quarante ans plus tard. Le nom rend hommage à l'amitié qui unit les trois hommes et à cette banque Garantia qui a fait leur première fortune.

Copier les secrets des meilleurs PDG


Les « trois mousquetaires » - c'est leur surnom - ont à peine trente ans et veulent copier ce qui se fait de mieux dans le monde. « Ce ne sont pas des génies, mais des éponges », raconte l'homme d'affaires Claudio Galeazzi, qui les a beaucoup côtoyés dans les années 1980. « Ils n'éprouvent aucune honte à copier les meilleurs modèles de management. Ils les améliorent, en apportant leur propre touche », ajoute-t-il. Les trois hommes écrivent ainsi aux plus grands PDG du monde pour comprendre les secrets de leur réussite.

Le fondateur de Walmart, Sam Walton, accepte de les recevoir dans son fief de l'Arkansas. Il confie sa haine des dépenses inutiles. Les jeunes Brésiliens ont trouvé leur mentor. C'est de lui que viendrait leur soif inaltérable d'économies. « Les coûts sont comme les ongles. Il faut les couper constamment », a l'habitude de dire Carlos Sicupira.

Le fondateur de General Electric, Jack Welsh, est leur autre modèle. Les trois amis ont repris à leur compte le fameux principe du 20-70-10 : promouvoir les 20 % au sommet, conserver les 70 % au centre et remercier les 10 % plus mauvais.

Au milieu des années 1990, Jorge Lemann se trouve au sommet de sa gloire. Il a racheté les bières brésiliennes Brahma. Une marque en déclin qui, de fusion en fusion, donnera naissance au numéro un mondial AB InBev, que l'on connaît aujourd'hui.

Source:business.lesechos.fr

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