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Dieudonné ESSOMBA:CE QUE JE REPROCHE AUX ANTI-CFA

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CE QUE JE REPROCHE AUX ANTI-CFA
Depuis un certain temps, j’ai répondu aux agitateurs anti-CFA qui voulaient nous forcer à coups de
manipulation, d’insultes et de chantage à adhérer à leur cause. Avant de rentrer sur notre propre projet, il est important que je dise ce que je leur reproche. Ces reproches se situent à 4 niveaux :
I. SUR LE PLAN CONCEPTUEL, ils se trompent de combat, en confondant la lutte anticoloniale avec le combat pour le développement.
La lutte anticoloniale est une démarche éternelle des peuples qui veulent se débarrasser de l’autorité ou de l’influence d’un autre peuple, que cette autorité prenne un caractère politique, religieuse, idéologique ou même linguistique. C’est une démarche qui a marqué toutes les civilisations humaines. Un peuple peut être assujetti par un autre et cherche à en sortir par des moyens de force. La Bible nous montre les diverses formes de ces combats d’émancipation menés par les Juifs : politiques contre les Romains, idéologiques et religieuses contre les Assyriens, etc.
Mais ce combat est totalement différent de celui du développement qui a un aspect moderne et renvoie à la Révolution Industrielle. Celle-ci a organisé le monde suivant une architecture spécifique, caractérisée par un réseau inextricable de liens complexes qui enserrent chaque pays comme dans une toile d’araignée. Vous dépendez des autres à tous les points de vues ; les approvisionnements, la technologie, le savoir, les migrations, etc.
Vous ne pouvez plus être libre ou souverain de quelque manière que ce soit, simplement parce que tout acte que vous posez à une incidence internationale et une chaîne de conséquences qui va très loin, bien au-delà de l’espace que vous contrôlez et qui vous est retourné sous la forme d’une réaction des autres.
Si vous voulez augmenter votre revenu, vous augmentez la production du coton. Mais par la même occasion, vous agissez sur l’économie de vos clients qui achètent le coton pour faire des habits, sur les producteurs des camions que vous achetez pour transporter le coton, sur les producteurs de bulldozers que vous achetez pour faire des routes, sur les entreprises de pharmacie qui produisent les médicaments que vont acheter les cultivateurs de coton, etc.
Autrement dit, chacun de vos gestes déclenchent une chaine de réaction qui va au-delà de votre pays et déclenche à son tour des réactions, et ainsi de suite. Vous ne pouvez donc plus raisonner comme si vous étiez seuls, ou que vous pouviez isoler vos actes.
Dans ces conditions, la notion de SOUVERAINETE a perdu toute sa pertinence pour céder la place à un nouveau concept, la « MARGE DE MANŒUVRE » ou encore le « DEGRE DE LIBERTE ». Celui désigne ce que je peux faire, dans un environnement où mes intérêts peuvent antagoniques à ceux des autres qui vont m’entraver, ou m’aider.
Plus un pays est développé, plus sa marge de manœuvre est importante. Un pays comme les USA ont une marge de manœuvre très importante, car il peut pratiquement tout. Il peut violer les règles internationales, imposer sa loi avec ses armes, etc.
A contrario, celle du Cameroun est très faible, car il dépend de tout ! Il dépend des autres pour ses assiettes, ses seringues, ses livres, pour tout ! Cette dépendance a un caractère économique, financière, technologique, monétaire. Tout ce qu’il tente de faire, il y a un acteur ou un facteur qui va le bloquer. Veut-il mener une politique protectionniste ? L’OMC lui sort les yeux là où elle se tait devant les USA. Veut-il créer une industrie de l’’habillement ? La pacotille chinoise et la brocante européenne bloque ! Tente-t-il de relancer la production en dopant la consommation locale, tout l’argent s’envole, basculant le pays dans un déficit courant explosif. Tout se passe comme si le Cameroun était dans une toile d’araignée qui l’englue chaque fois qu’il tente d’agir.
C’est de cette dépendance multiforme, ubiquitaire qu’il faut assouplir puisque nous ne pouvons pas en sortir ! Il s’agit donc clairement, non de chercher une quelconque souveraineté qui n’a aucun sens, mais d’élargir nos moyens d’action.
Dès lors, la question fondamentale est la suivante : que représenterait la sortie du CFA ?
Incontestablement, elle serait une victoire contre la colonisation.
Mais serait-ce une avancée vers le développement ? La réponse est clairement non, car le niveau de dépendance des pays qui ont le CFA n’est ni plus élevé, ni moins élevé que ceux qui ne l’utilisent pas. Il n’y a aucune différence entre la situation économique du Cameroun, du Sénégal ou du Cameroun, avec celle du Ghana, du Kenya ou de la Mozambique, et encore moins avec les pays qui en sont sortis comme la Guinée, la Mauritanie ou Madagascar.
Par contre, le CFA fournit une occasion en or pour implanter le seul système capable d’élargir la marge de manœuvre, la binarisation. Pourquoi ? Simplement parce, aux yeux des étrangers, l’utilisation du CFA comme monnaie majeure est plus rassurante qu’une monnaie purement camerounaise.
La lutte contre le CFA est une lutte contre la colonisation, mais elle est contreproductive pour le développement.
II. SUR LE PLAN STRATEGIQUE, A supposer même que la France soit cette ennemie si accrochée à son CFA dont elle vit, est-il intelligent d’engager un combat ouvert ? La France n’est pas un petit ennemi : par le passé, elle a montré de quoi elle est capable. Redoutable, sanguinaire et rusée, calculatrice à souhait, la dangereuse France a passé sa vie à tuer, à éliminer tous ceux qui ont tenté de toucher à son CFA et à ses intérêts. Quand vous voulez combattre un tel adversaire, vous allez le faire sur la rue, élaborer les stratégies sur la place publique, quelquefois en plein cœur de Paris, dans l’antre de l’ennemi ? Tout d’abord, ce n’est pas sûr qu’elle vous laissera faire. Mais même si elle le fait pour des raisons stratégiques, vous êtes-vous demandé si elle n’envoie pas ses espions, et qu’au moment même om vous élaborez votre stratégie de sortie, elle ne prépare pas sa riposte ?
D’un côté, ils accusent des gens comme moi d’avoir été acheté pour les combattre ! A supposer que cela soit vrai, à qui la faute ? Quand on se prépare à un combat, il faut bien intégrer la possibilité des sous-marins comme moi ! D’autre part, et si on en croit leurs arguments, la sortie de la Guinée a été sanctionnée par la fausse monnaie, laissant ce pays exsangue. La sortie d’Olympio s’est traduite par son assassinat, celle du Mali par le coup d’Etat contre Modibo Keita, celle de la Côte d’ivoire par l’emprisonnement de Gbagbo, celle de Madagascar par une instabilité, etc.
Maintenant, quand vous avez engagé un combat, vous êtes-vous assurés que vous avez des moyens de pallier à ces menaces que la France fait peser ? Vous avez une armée pour encadrer les Chefs d’Etat qui vont sortir, des moyens pour appliquer à leurs besoins instants ? Vous avez prévu quoi ?
III. SUR LE PLAN OPERATIONNEL, quand un pays acquiert l’indépendance, il est vierge de tout engagement extérieur, et son système monétaire est aussi vierge de tout engagement. Mais 50 après l’indépendance, l’usage du CFA a créé un réseau de relations complexes qu’on ne peut pas détricoter par un coup de tête. La Zone CFA n’est plus vierge, et son démantèlement pose des problèmes tr_s complexes qui doivent trouver des réponses, avant toute aventure :
1. AVEC QUI VA-T-ON SORTIR DU CFA ? Que cela plaise ou non, nous avons bien les Biya, les Sassou Nguesso, les Obiang Nguema et autres Idriss Deby qui ne nous ont pas habitués à respecter l’indépendance des institutions comme une banque centrale nationale ;
2. DANS QUELLES CIRCONSTANCES : les réserves extérieures sont épuisées. Comment on fait pour garantir une nouvelle monnaie ?
3. ET PAR QUOI REMPLACER ? Là encore, pas d’alternatives autre que la création d’une constellation de monnaie nationales. Ceux qui parlent d’une monnaie régionale ne savent pas qu’une monnaie unique ne peut pas fonctionner avec des pays indépendants, surtout quand les économies sont divergentes, car les équilibres extérieurs sont impossibles à gérer. Il faut donc une fédération. Si le CFA qui est une monnaie unique a pu perdurer, c’était parce que la France prenait en charge les déficits de ces pays qui, à l’époque ne représentait pas grand-chose pour elle. La CEMAC étant loin de s’assujettir à la création d’une Fédération, qui va pendre en charge les déficits courants ?
ET QUID DE LA DETTE ? La dette extérieure du Cameroun dépasse déjà 3000 Milliards de CFA, ce qui est déjà excessif. C’est plus que nos recettes d’exportation, ce qui nous met dans la situation de quelqu’un qui gagne 100.000 FCFA et se retrouve endetté de 1.500.000 FCFA. Déjà, c’est une situation terrible en soi, sans grandes perspectives de remboursement avec un déficit courtant qui s’amplifie. Maintenant, ajoutons les impacts d’une monnaie dégradée, on en sort comment ?
LES RISQUES POLITIQUES : quel pays de l’Afrique centrale peut se permettre aujourd’hui une instabilité de l’ampleur que donnerait une sortie mal préparée du CFA ? Le Cameroun traîne ses problèmes politiques avec les anglophones, ses problèmes sociaux avec les grèves qui se multiplient partout et ses memoranda, la crise sécuritaire avec Boko haram, la crise de liquidité avec des caisses vides, etc.
A tous ces problèmes prévisibles, personne n’offre la moindre réponse.
IV. SUR LE PLAN TACTIQUE : alors qu’on attendait des arguments concrets, étayés par des études sérieuses sur la nuisance du CFA, on n’a en face que des pétitions de principe, des déclarations à l’emporte-pièce, et une démarche systématique faite de mensonges, d’approximations hasardeuses, de chantage et de manipulation, dans une confusion généralisée.
-UNE LOGIQUE DE GANGSTER : incapables de soutenir un argument technique, ils versent dans le chantage au nationalisme et au panafricanisme, sur la logique : « si tu n’es pas avec nous, cela signifie que tu es payé par la France ».
-UNE LOGIQUE DE MANIPULATION, présentant les 50% de réserves gérées par le Trésor français comme une extorsion, sans cependant expliquer pourquoi, lorsque la France gérait les 100% de ces devises, c’est-à-dire, la totalité, nous avions quand le droit d’acheter à l’étranger ;
-UNE LOGIQUE INCOHERENTE : on ne sait pas très bien quelle orientation ils donnent à leur combat. Dans la convention de coopération monétaire entre la République française et les États membres de la BEAC signée le 23 novembre 1972, l’article 17 dit textuellement ceci :
« Tout État signataire peut dénoncer la présente Convention. Cette décision prend effet à compter de la date de sa notification à l’État dépositaire. La négociation des arrangements nécessaires sera entreprise immédiatement entre les États signataires à la diligence de l’un quelconque d’entre eux. L’application de la Convention de Compte d’opérations prévue à l’article 9 ci-dessus est suspendue de plein droit à compter de la date de cette notification, en ce qui concerne cet État. »
S’il y a donc quelqu’un à reprocher, c’est bien nos dirigeants qui n’utilisent pas ce droit ; d’où vient-il qu’ils vont manifester contre la France qui ne cesse d’ailleurs de leur proclamer que le destin du CFA appartient aux Africains ?
-LA VULGARITE : face à des arguments techniques, ils affichent un « le Franc CFA must go » qui nous rappelle un autre mustgoïsme, celui de « Biya must go » des années 1990, où une bande d’imposteurs prétendaient chasser Biya en formant une meute mugissante, opposant aux programmes politiques qu’on leur demandait l’insulte, l’injure, la menace, la calomnie et les attaques à la vie privée.
LE VRAI DEBAT
Depuis un certain temps, la France veut se débarrasser du CFA, notamment celui de la CEMAC en très mauvaise posture et qu’elle est obligée de soutenir.
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La situation du Cameroun, avec ces initiatives de Grands projets à l’emporte-pièce, a conduit le pays au bord du gouffre. Un programme de développement totalement irrationnel, bâti contre le bon sens et la raison, avec un bilan-devise totalement désastreux !
D’où cette campagne anti-CFA qui, bien loin de tuer comme autrefois, se trouve subitement dotée de moyens puissants, de l'argent, des postes, des soutiens, des plages dans les grands journaux français, sans compter les déclarations favorables !
C’était d’abord des supputations, mais les choses deviennent de plus en plus claires.
Ce départ nous gênerait pour deux raisons :
-Du point de vue technique, la binarisation que nous avons escomptée pour retourner le CFA en notre faveur devra se contenter d’une monnaie majeure purement camerounaise dont la crédibilité ne viendra qu’avec le temps.
-Du point de vue moral, la France est entrain de tricher : elle a joué au poker et amassé d’énormes sommes dans le jeu ! Maintenant que la situation se retourne, elle veut précipitamment se débiner, en emportant tous ses gains !
Mais cela ne fait rien même si elle s’en va, avec la bénédiction des nôtres, totalement instrumentalisés, et qui favorisent ses mauvaises intentions, au moment om nous aurions dû l’interpeller en lui demandant : « C’est comment ? On t’a aidée, aide-nous aussi ! ».
Les plus décevants, ce sont les cloportes qui nous servent de Gouvernement. On ne sait même plus quoi faire.
C’est maintenant qu’il faut être fort et tenir, car notre situation économique est très difficile et les lendemains s’annoncent très durs, au moment où nous sommes traîtreusement lâchés par celui qui nous a tant exploités.
Dieudonné ESSOMBA
Président de l’Ecole Africaine de l’Economie
(Institut TCHUNDJANG)

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